Couleurs criardes et vacarme. Le Chemin de Traverse étaient bondé. Ici et là des sorcières échangeaient ce qu'elles pensaient être de bonnes affaires tandis que là-bas des enfants couraient à en perdre le souffle. Les commerçants suaient autant que les clients abondaient. Incognito parmi la foule, Margh fulminait. Elle ne supportait pas de se mélanger parmi les petites gens, n'appréciait guère ne pas être reconnue et admirée. Elle voulait qu'on lui fasse place et qu'on la serve, qu'on abonde en son sens et qu'on lui se sente obligé envers elle. Au lieu de ça elle devait scinder la foule et tenter de se faire une place parmi la cohue. Elle venait ici pour se procurer un livre qui se vendait comme du petit pain chez les Moldus. Elle venait ici pour se procurer une biographie non officielle. Une biographie qui traitait de nul autre qu'elle. Margh Maedoc faisait et défaisait les réputations, à un point tel que l'on avait essayé de l'attaquer via ce livre. Curieuse, Margh avait décidé de se le procurer afin d'en lire le contenu.
Elle arrivait dans la librairie d'un supérieur, auquel personne ne fit attention. Elle rangea alors toute sa superbe et pénétra dans la boutique, telle une personne lambda. Les rayons se révélèrent être des dédales. Les livres se dévoilèrent être des trésors que les clients s'arrachaient. Parfois une lutte acharnée semblait avoir lieu entre deux sorcières, décidées à obtenir le dernier exemplaire en vente du dernier auteur à réputation. Margh ricanait doucement devant tant de bêtise, elle ignorait alors que de ce genre de lutte elle allait être actrice.
Sur un petit piédestal rouge, que l'on devinait autrefois rempli, se trouvait le seul et dernier exemplaire de "Maedoc, une vie teintée de rouge". Margh s'en empara rapidement, décidée à quitter les lieux le plus vite possible. Mais une main aux doigts semblables à des serres vinrent l'arrêter dans son mouvement. Peu habituée au contact physique, Margh se fit volte-face afin de toiser la personne qui avait osé la stopper.

Je suis désolée mais je l'avais vue la première, il est à moi !

Margh n'en croyait pas ses yeux. La rage lui montait à la tête comme un venin parcourait les veines de sa victime. Une rougeur inquiétante s'empara de son visage en même temps que sa bouche formait un rictus machiavélique. Inquiète, la sorcière lâcha prise et s'éloigna. Margh reprit de sa contenance et alla rejoindre la caisse.

Je vous déconseille ce livre. Déjà que Maedoc est horrible à lire, alors en savoir plus sur sa vie est une épreuve plus dure encore !

Margh toisa le vendeur. Celui-ci se rendit compte de sa méprise. Trop tard. Son visage se teignait de pourpre tendait qu'il tendait l'ouvrage payé à Margh. Celle-ci le lui arracha des mains et quitta la boutique afin de rejoindre la rue bruyante et de transplaner.


La chaleur ambiante de l'appartement de Margh était particulièrement douceâtre. Négligemment, celle-ci jeta sa robe de sorcière sur un divan et, d'un pas léger, se dirigea vers la cuisine. Une pièce immense avec un pan de mur entier déchiré par de grandes fenêtres. Tout semblait avoir été taillé dans l'acier et le métal. Les murs, eux, étaient d'un blanc plastifié tant et si bien que l'on pouvait penser être dans un hôpital. Rien au monde ne pouvait mieux illustrer l'obsession qu'avait Margh pour la propreté et l'hygiène. Malgré les immenses rayons de soleil qui perçaient à travers la fenêtre, pas une seule poussière n'apparaissait. L'ordre et le silence régnaient : tout était à sa place. Margh ne s'apercevait aucunement de cela, elle traversait la pièce, au-dessus de tout cela, comme trop habituée pour se soucier de sa maladive obsession. Puis, d'un coup furtif de baguette, elle prépara le café et le fit servir sur un fauteuil de velours rouge. Pendant ce temps, elle jetait un regard par dessus la fenêtre. Un gamin la dévisageait. Il avait un bonnet à pompon, des gants troués et un pantalon sali par la pluie et la boue. Même à quatre étages au-dessus de la rue, Margh pouvait le remarquer. Devant tant de pauvreté et de saleté, la sorcière grogna et tira les stores pour ne plus avoir à y faire face.
Si l'ambiance de la cuisine était semblable à celle d'un hôpital, celle du salon ressemblait plus à un salon de thé luxueux du début du siècle dernier. Des guéridons étaient posés ci et là, accompagnant de grands divans et des causeuses douillettes. Les tapisseries étaient richement décorées, parfois recouvertes de peintures de paysages calmes et apaisants. Un faux désordre régnait, comme pour inviter à la paresse et aux discussions. Là était posé le café chaud que Margh s'était servi et de l'autre côté, sur le divan, sa robe de sorcier avec le livre dedans. Un coup sec de baguette lui fit porter le livre. Elle s'enfonça dans le fauteuil de velours, aux côtés de son café, et s'empara du volume. Elle l'ouvrit en page centrale et plongea son nez dedans, pour sentir l'odeur du livre neuf. Elle eut un sourire satisfait : si le contenu allait lui déplaire, au moins le contenant était de qualité. Elle referma le livre d'un geste rapide, presque violent, et le posa sur ses jambes. Après avoir bu une gorgée de café, elle reprit le bouquin et se lança dans sa lecture. Aussi étrange que cela pouvait paraître, Margh allait lire l'histoire de sa vie écrite par un autre...


Comme un signe prémonitoire, Margh Redd Maedoc est née un jour sinistre de novembre. Ce jour-ci la pluie s'acharnait sur les fenêtres comme Maedoc, plus tard, le ferait sur ses victimes nombreuses et innombrables. Il n'est effectivement plus utile de la présenter tellement sa réputation la précède. Or, si aucun sorcier ne peut échapper à sa plume acide et son long bras, peu peuvent témoigner de l'histoire qui l'a menée à devenir l'une des sorcières les plus influentes de notre temps. Ce livre vous délivrera de ce mal : désormais vous saurez tout. Margh n'appréciait que très peu cette mise en bouche. Elle aimait sa réputation, elle appréciait cette espèce de terreur qui transpirait des lignes qu'elle avait lu mais ne pouvait consentir à ce qu'on expose sa vie de la sorte. Elle se rendait compte soudainement que plutôt que d'être drôle sa lecture serait une épreuve. Elle pensait en rire mais commençait maintenant regretter à avoir pris ce livre à la légère. Mais, pour connaître le monstre qu'elle devait combattre et anéantir, pour faire un autodafé de ce livre, elle devait s'en imprégner, le dévorer. Alors, elle poursuivait ce calvaire de lectrice. 5 novembre 1960. Jour de naissance de Maedoc dans le secret le plus total. Hector Maedoc, magnat de la finance, et Morvan Maedoc choisissent une petite clinique moldue pour accueillir la petite Margh. Un très proche ami de la famille, au cours de mon investigation, me dévoilera que "cette cachotterie n'avait d'autre but que de ne pas attirer l'attention". Devant ma surprise ce sorcier précise sa pensée en expliquant que les Maedoc était alors une famille assez puissante et d'envergure. Trop puissante pour vouloir se muer en parents modèles. Les Maedoc ont donc choisir de cacher leur enfant plutôt que de le présenter à la face du monde, demandais-je au sorcier. "Plutôt deux fois qu'une !" me répondit-il, effaré. Moi-même j'étais éberlué. Mais, hélas, je n'étais qu'au début de mes recherches, à une extrémité du fil d'Ariane. J'apprenais plus tard que jusqu'au prénom choisi pour leur fille les Maedoc n'avaient que peu d'intérêt. Hector et Morvan choisirent Margh en quelques secondes, juste avant de partir de la clinique moldue. Je me suis rendu là-bas, dans cet endroit sans magie qui autrefois devait être resplendissant mais qui, maintenant, semblait plutôt désuet. A ma grande surprise une infirmière, stagiaire à l'époque, avait assisté à l'accouchement. Elle se souvient de cet épisode de sa vie très clairement, marquée par le dégoût que lui inspiraient les Maedoc. Selon elle, il n'avait que peu d'intérêt pour leur enfant ainsi que pour leur semblable. Enfin, vomissant cette vérité avec dégoût, elle affirme que "Morvan, la mère de Margh, avait accouché du bébé cinq minutes plus tôt qu'elle faisait déjà ses valises". Tandis que je prenais congés de cette dame, je résumais la situation : Margh Redd Maedoc était venue au monde parmi des sorciers hautement respectés qui ne lui réservaient ni amour ni tendresse. Déjà, je comprenais pourquoi elle était devenue ce monstre que l'on connaît. Mais, déjà, je me trompais : car l'enfance de Margh était toute autre que sa naissance. Margh marqua une pause dans sa lecture. Elle s'empara violement de sa tasse, si fort qu'elle en renversa sur le fauteuil. Sa rage jaillit alors. Elle jeta de toute ses forces et en un cri furieux la tasse contre le mur opposé et fit valser le fauteuil. Elle se rua sur le livre et le déchira en deux. Le sang lui montait à la tête et sa colère ne semblait plus redescendre. Et puis, on sonna à la porte.

L'épaisse porte de bois semblait vriller sur ses gonds tellement Margh l'ouvrit avec rage. QUOI ? lança-t-elle en guise de bienvenue. Et alors elle réalisa qui se trouvait devant elle. Sa rage se décupla encore, si c'était possible toutefois. Devant elle se tenait l'enfant de la rue, plus sale encore qu'elle ne se le figurait. Plus puant aussi. Et selon lui, plus affamé et frigorifié que jamais. Il était venu demander de l'aide. Les yeux de Margh semblaient pouvoir jeter des éclairs. Face à eux, l'enfant sentait venir les larmes et la tristesse. Il voulait parlé mais ne faisait que bégayer, il voulait s'expliquer, prouver sa bonne foi mais Margh ne lui en laissait pas le temps. Déjà, elle continuait sur un ne compte même pas une seule seconde m'attendrir, petite larve. Si tu es à la rue, c'est que tu n'es pas assez bien pour vivre ailleurs. Si tu es à mes yeux aussi important que de la merde, c'est parce que tu en es une. Déguerpit ! Et l'épaisse porte manqua une nouvelle fois de vriller sur ses gonds, Margh l'ayant claquée fortement sur le nez de l'enfant qui retourna dans les dangers de la rue. Margh fit volte-face. Le salon si calme tout à l'heure semblait maintenant avoir été pris de folie. L'ordre avait disparu. L'intelligence de l'agencement aussi. Du café coulait sur la tapisserie et en-dessous était répandu des bris de verre. Un fauteuil était à la renverse, sa biographie déchirées parmi mille morceaux. Lasse, elle marqua une ligne horizontale avec sa baguette magique. Tout revint alors à la normale, même le livre se reconstituait et venait se placer sur le guéridon, à côté de la tasse désormais vide. Margh se saisit du bouquin et alla s'étendre sur un divan. De là, elle reprit sa lecture. Maedoc passa effectivement les premières années de sa vie seule, sans ses parents. Ces derniers étaient trop occupés à courir le monde pour s'occuper d'un enfant. De leur enfant. Il aurait été intéressant de questionner la nurse qui lui faisait alors téter le sein et l'élevait à la place de ses parents. La pauvre femme, hélas est morte. Il se figure que c'est à la mort de cette dernière que tout changea. Une source anonyme, proche de la nourrice est venu à ma rencontre quand il a été répandu la nouvelle que j'écrivais une biographie sur Maedoc. Et cette personne avait des informations cruciales en sa possession. Elle m'expliquait en effet que, suite à la mort de la nourrice, les Maedoc avait refusé de laisser un parent de la nourrice s'occuper de leur enfant. Dès lors, ils ont du s'en occuper et ils apprirent avec surprise que leur enfant était à la fois extrêmement compétent en magie malgré son jeune âge mais aussi qu'elle avait une ambition folle. La source m'indiquait même qu'à partir de là plus jamais la famille de la nourrice ne put approcher l'enfant et que Margh devenait chaque jour un peu plus une Maedoc, la flamme de son ambition étant entretenue par ses parents. Assez rapidement, les Maedoc firent les présentations entre leur fille et la haute société qu'ils fréquentaient. Derrière les sourires apparents résidaient quelques aigreurs, parmi elles, celle d'un homme aujourd'hui lassé des Maedoc : "Je ne les supportais pas Hector et Morvan semblaient ignobles, mais leur fille est pire. On nous la présentée comme un bijou. Elle était extrêmement douée, à sept ans métamorphomage habile et d'une éloquence qu'un homme mur atteint rarement. Personnellement je la considérais déjà alors comme une toxicité : elle était déjà imbue d'elle-même, on ne savait rien d'elle, de sa naissance, etc... Et je voyais bien qu'elle allait vite supplanter ses parents en force et en pouvoir." Cet homme ne s'était pas trompé. Aujourd'hui personne ne se souvient de Morvan et Hector Maedoc alors que personne ne saurait ignorer Margh Redd Maedoc. Certains de ses anciens camarades de classe, à Poudlard, en ont gardé un vif souvenir. Peu surprenant que cela puisse paraître si l'on prend en compte les stéréotypes liés aux Maisons, Maedoc fut envoyée à Serpentard. Quelques sorciers en mal de reconnaissance se déplacèrent à mon domicile simplement pour me confier que le Choixpeau eut à peine le temps de toucher les cheveux de l'enfant qu'il indiquait la maison Serpentard. Parfois, en poussant les gens dans leurs souvenirs les plus enfouis, j'arrivais à glaner des informations telles que Maedoc réunissant autour d'elle un cercle de fidèles, d'étudiantes extasiées par les talents et l'aura de Maedoc. J'apprend aussi qu'elle utilise illégalement son don de métamorphomage, allant même jusqu'à prendre l'apparence d'une rivale pour avoir des relations avec un étudiant qu'elle convoitait. Maedoc, déjà, n'avait aucune morale. Margh claqua le bouquin. Elle regardait furieusement la couverture. Sous le titre était écrit "Par Blossom Pepper Goyle". Elle sentit dans sa mémoire un souvenir émerger. Elle se concentrait dessus et finalement se rappela : Blossom avait été un sorcier reconnu autrefois. Émérite aussi, à bien des égards. Compétent Directeur de la Justice Magique au sein du Ministère de la Magie britannique, il avait eu le tort de présider un procès du Magenmagot dans lequel été cité à comparaître Margh. Celle-ci avait été condamnée. Extrêmement séduisant, talentueux dans son art et bien trop respecté, Margh s'intéressa plus à lui et écrivit un papier acide, destructeur. Rapidement la réputation de Blossom alla en décroissant, au point de devenir un souvenir éteint. Blossom tenait donc ici sa vengeance.


Margh était laborieusement arrivée au chapitre huit du livre. Elle était maintenant persuadée que Blossom avait réussi son coup. Bien que n'ayant aucune crainte pour sa réputation, ce livre pourrait lui faire du tort. Margh n'avait effectivement pas l'habitude qu'on lui rétorque quelconque argument or ce livre en fournissait une flopée. Goyle avait en effet révéler des techniques de Margh pour soutirer des informations ou encore procéder à la filature qu'elle apprécie tant. Enfin, il avait réuni bon nombre de témoignages de victimes de Margh ainsi que celui d'une sorcière affirmant que Margh mangeait les chats de gouttière. C'en était définitivement trop pour Margh qui voyait maintenant le livre comme un tas de fumier écrit par une ordure. Elle était partagée entre poursuivre la lecture affligeante du livre ou l'abandonner et risquer de ne pas savoir ce qui s'écrivait sur elle. Car Margh mettait un point d'honneur à toujours devancer ses adversaires, toujours avoir une longueur d'avance sur leurs propres plans qu'elle retournait alors contre eux. Souvent cela marchait. Pas cette fois-ci. Margh était étonnée que Goyle ait pu trouver d'éléments à charge contre elle. Elle fulminait de ne pas avoir pris au sérieux cette rumeur d'une biographie étonnante sur sa vie. Jamais on ne lui avait autant porté atteinte. Mais face à cet affront suprême, Margh souriait aussi. Au moins, sa vengeance pourra ne pas être mesurée, elle pourra mettre toute sa hargne et son talent dans sa réponse à Goyle. Forte de cette idée, elle décida de se remettre à sa lecture, la dégustant avec une toute autre saveur. Bon nombre d'étudiants eurent à se plaindre de cette confrérie créée par Maedoc et qui gravitait autour d'elle. Elle était comme le centre d'impulsions de toutes les folles rumeurs qui couraient au Château. Je retrouvais une sorcière il y a quelques mois précédent la parution de mon livre, elle me livrait que "Maedoc a fait de ma vie un calvaire durant les cinq ans où nous avons été ensemble à Poudlard. Non contente de me voler mon petit ami, elle a aussi rasé les trois quarts de mes cheveux et a tenté d'insérer une grenouille dans mon vagin !" Devant l'incroyable de ce témoignage, je me suis rendu au Ministère pour consulter les archives de l'Ecole et du Magenmagot où figure effectivement ce fait d'arme. Maedoc risqua sa place à l'Ecole mais, finalement, les charges furent abandonnées. D'expérience, les indications portées au dossier me laissaient à penser que les parents Maedoc ont du payer ceux de sa victime afin de ne pas aller plus loin devant les autorités. Maedoc a donc pu continuer son éducation de sorcière, ne souffrant plus d'obstacle dans son ascension pour le pouvoir. Pourtant, à la suite des épreuves d'ASPIC, il semble que tout ne se soit pas passé selon ses plans. Un élève de Gryffondor passait juste après elle son épreuve de potions, il raconte que "Maedoc avait littéralement fait exploser son chaudron. Tout le monde dans le cachot de l'épreuve, y compris elle, était recouvert de suie et une énorme fumée noire empêchait toute visibilité. Je suis rentré dans le cachot deux secondes que la tête me tournait déjà. Je me souviens très bien de tout cela car à cause de cet incident j'ai du passer mon épreuve une semaine après..." Beaucoup de sorciers que j'ai rencontré au cours de mes enquêtes me déclarèrent que Maedoc désirait un poste haut placé au Ministère de la Magie et que cet incident lui coupa l'herbe sous le pied. Certains témoignaient aussi de l'état de rage dans lequel cet incident l'a mis. Elle était dévastée et refusait l'idée d'échouer. Pour se donner bonne figure, elle décida de suivre une amie dans la voie professionnelle qu'elle avait choisie : le journalisme. Ce choix anodin et cet enchaînements de faits nous amènent alors en droite ligne vers ce que nous connaissons aujourd'hui : Margh Redd Maedoc, reporter spéciale à la Gazette du Sorcier.

Margh était dorénavant plus que décidée à se venger. Elle ferait en sorte de ne laisser aucun répit à Goyle. Elle lui ferait payer au quintuple ce qu'il avait écrit sur elle. Elle ne voulait pas pouvoir souffrir de la concurrence ou d'un quelconque affront. Elle qui excellait dans le jeu du chat et de la souris n'avait aucun soucis à y participer. Pire : elle était prête. Beaucoup avant lui avaient essayé de se frotter à elle et y avaient perdu beaucoup. Margh faisait en sorte de toujours avoir le dernier mot. Manipuler, soudoyer, trahir ou violenter ? Par un soucis pour elle qui va jusqu'à frapper ceux qu'elle estime incompétents. Margh est d'ailleurs reconnue par ses collègues pour ses sauts d'humeur et la violence qui les accompagne. Beaucoup la craignent, tous la respectent. Margh a constaté cela et n'a dorénavant aucune gêne à asseoir son autorité avec force et violence, causant pertes et fracas. Ses collègues étaient loin d'imaginer que Margh pouvait aussi être parmi les plus vulnérables du monde. Car tous ignoraient la présence d'une autre qu'elle dans son corps. Margh l'ignorait aussi fut un temps. Mais ce temps était révolu, lointain comme un souvenir. Maintenant, Lotte partage ses pensées. Ensemble elles discutent. Ou du moins essayent. Car Lotte est une moldue ahurie devant un monde qu'elle découvre pendant que Margh mène ses petites affaires. Or cette apparition de Lotte ne sied guère à Margh, tant et si bien que cette dernière a défini de nouveaux objectifs : 1) En découvrir plus sur pourquoi Lotte est apparu et savoir si elle est seule dans ce cas. 2) Supprimer Lotte. Margh, à l'heure actuelle n'avait pourtant aucune piste, ne parvenait pas à découvrir une seule réponse pour trouver des cas semblables ou pour supprimer Lotte. Et alors une panique l'empara. Goyle était-il au courant pour Lotte, allait-il en parler dans sa biographie ? Margh reprit sa lecture, à toute vitesse. Elle dévora le livre. En quelques heures à peine, elle parvint aux dernières lignes.
A ce stade de mes investigations, plus rien ne semblait pouvoir m'étonner de la part de ce personnage que je cernais désormais. Mais c'était sous-estimer la très connue auteure du MRM. Et c'est justement en fouillant ses débuts au sein de la Gazette du Sorcier que j'en appris plus encore. Je me demandais effectivement comment une si jeune sorcière avait pu imposer si facilement sa marque de fabrique au sein du journal sorcier le plus lu de la Grande-Bretagne magique. Comment une gamine pouvait écrire un papier portant ses initiales (MRM) où elle faisait et défaisait les réputations ? Ses parents ne pouvaient y être pour rien, ayant rapidement succombé à leur cupidité après la fin des études leur fille unique. J'admet ne pas avoir de réponse à cette question, n'ayant pu rencontrer aucun membre de la rédaction d'alors. Le MRM, en tout cas, est rapidement devenu l'une des pages les plus lues du journal. Maedoc elle même pouvait décider du sort de ses supérieurs rédacteurs-en-chef. On dénombre actuellement six d'entre eux qui se sont succédé depuis qu'elle est en poste. Aujourd'hui, il se murmure que Maedoc ne soit plus rassasiée et désir s'asseoir à se poste. Au vue des éléments que je me suis efforcé à réunir et à vous exposer, il ne fait aucun doute que ce soit la triste finalité de la lutte qui régit la vie de Maedoc depuis sa naissance : celle de la reconnaissance, du pouvoir et de l'ambition. Je ne me fais nul espoir sur une quelconque opposition à ce monstre rouge. Je n'ai aucune crainte non plus sur le fait qu'elle ne me décevra pas : elle répondra à ce livre avec force et vigueur jusqu'à ce que je lâche prise. Je succomberais en premier car Maedoc est comme le poulpe qu'elle affectionne tout particulièrement : ses bras sont longs et peuvent vous asséner plusieurs coups simultanément et, lorsqu'elle s'empare de vous, elle vous tiraille et vous travaille jusqu'à ce que vous implosiez. J'écris ce livre pour que chacun sache le sort qu'elle me réserve. J'écris ce livre pour que les personnes comme celles que j'étais avant son premier MRM contre moi ne puisse plus être écrasées par sa haine et son ambition. J'ai écrit ce livre pour que vous sachiez enfin à qui vous aviez à faire.

Ainsi Goyle ignorait tout de Lotte, de cette âme en trop dans le corps de Margh. La biographie avait été une épreuve difficile à traverser mais au final basique. Rien de trop compromettants. Margh était toutefois amer devant l'intelligence de Goyle. Il avait été rusé de prévenir que Margh allait se venger, l'empêchant ainsi de l'atteindre sans que cela ne soit su. Margh était bloquée, entravée. Finalement, peut-être avait-elle trouvé à adversaire à sa taille.


Le petit matin se levait. Margh était déjà prête, formidablement vêtue pour affronter le froid. Une épaisse robe de sorcier de fourrure la couvrait. Une sorte de puissance semblait se dégager d'elle. Ou de pouvoir. Quelques secondes après, elle était attablée sur son bureau, à la Gazette du Sorcier. Elle commençait à griffonner quelques idées pèle-mêle sur un parchemin. Derrière elle, un vitrail entrouvert laissait s'infiltrer un courant d'air froid, glacé et désagréable. Margh soupira et se leva en vue de le fermer lorsqu'un hibou de petite taille s'y engouffra rapidement, hâté par on ne savait qui. La sorcière eut à peine le temps de retirer le parchemin à sa patte qu'il reprit les airs et disparut. Intriguée, Margh déroula le mot et l'entama :

Vous n'êtes pas seules à avoir une âme de plus. Votre supérieur que vous souhaitez remplacer en possède une, lui aussi. Beaucoup d'autres sorciers aussi. Tous la cachent, apprenez seulement à les déceler et utilisez-les contre vos ennemis et rivaux.

Margh était interloquée : qui était cet inconnu qui lui écrivait et la connaissait suffisamment pour connaître ses intentions et l'existence de Lotte ? Qui était cet inconnu qui venait de lui mettre entre les mains le secret d'une arme qu'elle voulait maintenant absolument maîtriser ? Margh ne pouvait répondre à ces questions. Elle ignorait les réponses. Mais elle savait que, dorénavant, le poste de rédactrice-en-chef l'intéressait moins que ces histoires d'âmes de plus. Margh pensait que ce n'était ni normal ni naturel. Elle voulait traquer et chasser quiconque possédait une âme de plus et l'asservir. Ce petit plan serait facile à réaliser pour une raison toute simple : qui oserait lui refuser quoique ce soit si on risque d'être dénoncé dans le MRM ?