Tout n’était que larmes et désolation, autour d’elle, c’était le chao et ce, même si les corps ne s’agglutinaient pas dans les coins du château. Pourtant, dans son esprit c’était tout comme, elle avait l’impression de voir les fantômes de tous ceux qu’elle avait perdu glisser entre ses paupières à chaque fois qu’elle débouchait dans un couloir. La guerre était loin d’être terminée mais c’était comme si elle lui avait déjà tout pris. Heureusement pour elle, il lui restait Mason et rien qu’à l’évocation de son nom, elle en frissonnait. Cela lui faisait du bien de penser à lui, c’était rassurant. Elle était sûre qu’il serait toujours là pour elle, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi mais elle avait l’impression que lui ne l’abandonnerait jamais. Il était comme le soleil qui apparaissait derrière les nuages de cendres d’un incendie et elle avait l’impression de mieux respirer lorsqu’il la tenait dans ses bras. Elle savait bien qu’ils étaient en quelque sorte de amants maudits, que jamais ils ne pourraient réellement être ensemble, parce que ses parents le refuseraient, parce qu’ils avaient déjà prévu toute sa vie en détail jusqu’à ce qu’elle ne meure. Mais elle avait envie de croire qu’un miracle était possible et que, peut-être un jour, ils lui donneraient leur bénédiction. En attendant, elle profitait de chaque instant passé avec l’être aimé, comme s’il pouvait être le dernier, elle ne pensait pas que le dernier instant était proche… « Mason… » Murmura t’elle doucement en remarquant l’ombre du jeune homme au fond de la pièce dans laquelle elle venait d’entrer.  Elle aurait pu le reconnaitre entre milles et ce, malgré l’obscurité. Elle savait qu’il lui avait menti, qu’il n’était pas héritier d’une grande famille, qu’il n’était qu’un voleur, un arnaqueur et un menteur mais, elle n’arrivait pas à s’en détacher malgré tout ce qu’elle avait découvert sur lui. Surtout depuis que tous ses proches disparaissaient, depuis que les corps de ceux qu’elle aime s’empilaient, que ceux qui l’aidaient à rester forte s’en allaient de l’autre côté. Elle n’avait plus que lui, et elle en avait tellement besoin… Ses pas la menèrent jusqu’à lui sans même qu’elle s’en rende compte et bientôt elle sentit ses bras se refermer sur son corps frêle et son souffle se perdre dans ses cheveux. Elle allait déjà mieux, et ce sans même qu’il ne lui adresse un seul mot. Elle savait bien que tout s’écroulait mais le fait de le savoir près d’elle c’était comme si rien n’avait plus aucune importance. « Ca va aller Scarlett… Je te le promets… » Murmura-t-il à son oreille lui arrachant un léger frisson. Se détachant doucement de lui elle passa ses mains sous ses yeux, remarquant à peine qu’elle pleurait à chaudes larmes avant de plonger son regard dans le sien. Elle avait désormais du mal à le croire, elle ne voulait pas qu’il lui mente à nouveau, qu’il se joue d’elle puisqu’après tout elle avait désormais du mal à croire qu’il l’aime réellement… La seule chose qu’elle trouva au fond de ses pupilles ne fit qu’empirer son doute, elle y voyait tellement d’émotions contradictoires qu’elle préféra se détourner, lui tourner le dos pour arriver à faire le vide, à essayer de comprendre et de le croire. Mais, il ne l’entendait pas de cette oreille et, comprenant surement ce qui la faisait douter se plaça face à elle et entoura son visage de ses mains pour l’obliger à le regarder dans les yeux : « Crois-moi Scarlett, tout ira bien, je te le jure ! Je t’ai promis que je ne te mentirai plus jamais tu te souviens ? Calme-toi je t’en prie… »  Elle avait envie de lui balancer à la figure qu’elle ne pourrait plus jamais le croire, de l’autre côté, elle avait tellement envie de le croire. Son amour pour lui pris le dessus et elle ne tenta pas de l’éviter lorsqu’il déposa avec tendresse ses lèvres sur les siennes. Blottie entre ses bras elle finit par oublier une nouvelle fois ses doutes, elle ne pourrait pas lui en vouloir éternellement, elle n’arrivait même pas à le faire après quelques minutes passées avec lui. Dehors, tout n’était que larmes et désolation, dehors, la guerre faisait rage mais elle, divaguait entre les bombes, elle flottait au milieu des cadavres et du sang, parce qu’elle l’aimait, et qu’elle pensait que l’amour vaincrait la mort, vaincrai la guerre…

Les yeux dans les yeux avec elle-même elle soupire, lasse du visage qui apparait chaque jour dans son miroir. Elle a les traits tirés et les yeux vides d’expression, les cheveux ternes et une moue triste constamment plaquée sur le visage et rien ne va en s’arrangeant. Depuis quelques jours, elle sent cette chose dans son ventre s’animer, se mettre à bouger et elle a envie de s’ouvrir le ventre elle-même pour arracher cette chose de ses chairs. Ce n’est pas son enfant, cela ne le serait jamais, c’était l’enfant de ce monstre qui jamais n’avait cessé de lui mentir, qui lui avait menti et qui était allé jusqu’à assassiner l’ensemble de ses proches, elle n’arrivait toujours pas à comprendre ce qui avait pu lui passer par la tête… Et elle s’en voulait tellement d’avoir été si naïve. Il est tard et les bougies qui lui servent de lumière font encore plus ressortir son teint maladif et ses cernes marqués. Cela ne pouvait plus durer, elle le savait bien, tous les jours qui passaient la rapprochaient encore plus de l’échéance fatidique où elle donnerait naissance à l’enfant d’un monstre. Elle ne pourrait pas le supporter, parce qu’à chaque fois qu’elle croiserait le regard de ce bébé, du sang de son sang, de la chair de sa chair, elle ne pourrait qu’y retrouver le tumulte d’émotions qu’elle n’avait jamais réussis à démêler en regardant Mason. Autour d’elle, c’était comme un laboratoire vendeur de mort, des tableaux, encore et encore, des tableaux sombres et morbides, des scènes de mort, des scènes représentant sa mort. Cela faisait quelques temps qu’elle y pensait, qu’elle savait qu’il arriverait un jour où elle passerait à l’acte, mais elle n’avait encore jamais eus le courage de passer à l’acte, et ce même si elle ne pourrait plus jamais faire plus que survivre avec tout ce dont elle avait été complice sans même le savoir. Mais ce soir, elle sentait qu’il était temps, que si elle se réveillait à nouveau en vie le lendemain, elle ne pourrait pas faire demi-tours… Elle se sentait si mal, si faible, si sale… Son regard éteint glissa sur toutes les peintures qu’elle avait fait ces derniers temps, certaines lui mirent même la chair de poule tant leur réalisme était inquiétant, il y en avait un, un seul qui donnait presque l’impression d’une scène normale, une jeune femme aux longs cheveux bruns assoupie dans un lit aux draps rouges satinés, le visage apaisé.  L’ordre paraissait parfait, comme une image de contes de fées quand la princesse attendait le baiser de son prince charmant, le baiser qui la réveillerait de son sommeil centenaire, mais Scarlett savait que quelque chose ne tournait pas rond, n’importe qui aurait observé le tableau ne l’aurait pas remarqué mais elle savait. Elle voyait les éclats discrets de verre répandus sur le sol de la chambre, elle remarquait sa main crispée sur le drap comme l’écho de la douleur de la mort, comme le reflet d’une vie qui s’échappe et un effort désespéré mais vain pour la retenir. Elle remarquait aussi la pâleur de son teint, elle savait bien que c’était l’absence de vie qui se réfléchissait sur ses pommettes d’habitudes bien roses. Elle savait exactement comment cela allait se passer, elle espérait que cela serait rapide et que la mort soit douce… Après tout elle se jetait dans ses bras, pourquoi la fin serait-elle cruelle ? La fiole sur la table capta son regard, comme si elle faisait l’effet d’une terrible attraction, Scarlett étendit son bras pour l’attraper entre ses doigts, elle paraissait si fragile, elle avait l’impression que si elle serrait un peu trop, elle la briserait et perdrait toute chance d’échapper à la guerre et aux conséquences de son amour pour un meurtrier. Il fallait qu’elle le fasse, maintenant. C’était urgent, et elle le sentait, l’être en elle le sentait aussi tandis qu’il donnait des coups, de plus en plus forts, de plus en plus vite, à moins que ce n’était que son cœur qui s’emballait à l’approche d’une mort certaine. Elle se redressa, le souffle court, prenant bien garde à ne pas briser la fiole et se dirigea d’un pas mal assuré vers le lit, faible, elle s’appuie contre les murs, contre les meubles pour ne pas chuter, elle a l’impression qu’une éternité s’est passée lorsque enfin elle sent la douceur des draps contre sa peau. Elle ferme les yeux, elle ne veut voir que lui, parce qu’au fond, malgré tout ce qu’elle a entendu sur lui, malgré le fait qu’il ait tué, qu’il ait tant tué, elle l’aimait encore et elle allait le rejoindre. Portant la fiole à sa bouche, elle a une seconde de doute quand le liquide glisse entre ses lèvres, mais c’est déjà trop tard, c’était plus rapide qu’elle n’aurait pensé, elle se sentait déjà partir… Voyant celui qu’elle avait toujours aimé s’approcher, devenir de plus en plus net, clair, elle ne pu s’empêcher d’esquisser un sourire qui s’envola avec sa vie.

« Amadeus dépêche-toi j’vais te battre ! Encore ! » S’exclama la jeune fille d’une voix enjouée en détalant à travers les arbres. Ses longs cheveux bruns voletaient derrière elle tandis qu’elle incitait son frère à la rattraper. Sa course ne dura pas bien longtemps puisque bientôt les bras du jeune homme entourèrent son corps pour la soulever lui arrachant un léger cri amusé.  « Cours moins vite princesse, tu risques de te faire mal ! » Murmura-t-il à son oreille en l’ébouriffant du dos de la main. Laissant échapper un petit rire Saphyr se dégagea de la poigne de son frère, elle se remet à courir, cette fois à reculons, narguant son ainé d’un air mutin avant de répondre d’une voix forte une fois hors de portée : « C’est parce que t’as du mal à me rattraper que tu veux que je ralentisse ! » Rieuse, elle s’enfonce dans le parc de la demeure des Ainsworth. C’était les vacances d’été, Amadeus était rentré de Poudlard où il étudiait la magie et il fallait avouer que Saphyr avait attendu ça toute l’année, son frère lui manquait énormément et il lui tardait de le retrouver à chaque instant. Il avait toujours été son pilier, et le fait de ne plus l’avoir près d’elle à chaque instant installait un grand vide dans son cœur. Mais après tout, cela ne faisait qu’augmenter sa joie lorsqu’enfin, les retrouvailles arrivaient… C’était une journée normale au manoir des Ainsworth, une journée comme la bâtisse en avait vu des centaines, mais cela restait un de ses plus beaux souvenirs.   En sueur elle se redresse sur son lit, le regard hagard et les cheveux plaqués sur la nuque elle a le souffle court et la gorge serrée, elle regarde autour d’elle, dans l’espoir de croiser le regard apaisant d’Amadeus avant de se souvenir qu’elle ne le verra plus jamais. Un sanglot se bloque dans sa gorge lui arrachant un haut et le cœur et elle sent les larmes commencer à couler à nouveau sur ses joues, remplaçant à peine celles de la nuit, et de la soirée, celle de la journée qui avait précédé et de toutes les autres. Se levant doucement elle titube et tire d’un coup sec sur les rideaux pour que la lumière ne perce pas. Elle ne voulait pas voir l’extérieur, c’était tout autant de souvenirs qui lui revenaient en mémoire, elle n’en n’avait pas la force. Elle Dieu sait à quel point elle se haïssait à ce moment précis de dévoiler cette face de son être à celui qui pousserait la porte de sa chambre. Elle savait bien que personne ne le ferait mais elle ne supportait pas cette faiblesse. Ces larmes, ces cris, ces supplications et prières pour qu’on lui ramène son frère. Il n’aurait certainement pas voulu qu’elle pleure, mais elle n’arrivait même pas à s’arrêter, égoïste elle s’enfonçait dans sa tristesse ne laissant personne entrer dans sa bulle, pour essayer de refaire entrer le soleil dans sa vie, elle ne pensait plus qu’à ce qu’elle avait perdu, elle oubliait ce qu’il lui restait, la chance qu’elle avait d’être encore là, d’être entourée de gens qui l’aimaient. Egoïste et aigrie elle oubliait tout ce que son frère avait fait pour qu’elle soit heureuse, elle ne pensait qu’à sa tristesse et au manque qui lui trouait chaque seconde un peu plus le cœur. Mais, dès qu’elle aurait passé la porte, dès qu’elle offrirait sa présence au monde extérieur, plus personne ne verrai ses larmes, son désespoir, elle savait bien se cacher Saphyr, c’était comme si elle l’avait fait toute sa vie. Elle avait une fierté, une bien trop grande fierté peut-être, mais elle ne laisserait pas les autres la voir sous son plus mauvais jour. Amadeus lui en voudrait terriblement de se refermer sur elle-même de la sorte, elle  n’y pensait pas. Elle essayait de faire au mieux, pour survivre sans lui, sans sa présence à ses côtés jusque dans ses rêves et cauchemars, il n’était plus là, elle n’était pas sure d’y arriver sans lui…

Elle entendait les bruits de couloirs, les murmures sur son passage, elle ne comprenait pas vraiment, au fond elle s’en foutait un peu. Ce n’était pas comme si on n’avait jamais parlé sur son dos… Depuis son entrée à Poudlard, nombreuses étaient les rumeurs qui avaient fleuries sur les lèvres des élèves la concernant. Il y avait celles concernant son changement radical de comportement lorsqu’elle avait compris que son physique était plus un avantage qu’une barrière infranchissable, il y avait celles qui concernaient son amitié, puis son couple, plus qu’improbable certes avec un poufsouffle, il y avait celles qui se délectaient avec une cruauté à peine dissimulée de la mort de son frère, cela ne l’atteignait pas. Quand on est une Ainsworth, on prend l’habitude de tout cela, elle en avait pris l’habitude, c’était comme si leurs paroles ne faisaient que glisser sur elle et ce même si parfois leur venin acerbe lui donnait envie de les étriper. Elle ne faisait plus dans la dentelle Saphyr, plus maintenant.  Parce qu’elle ne se laisserait pas dominer par toutes ces paroles, ni celles de ses camarades, ni celles des journaux, encore moins celles de ses parents qui, comme les barreaux d’une prison tentent de l’empêcher de se libérer, de voler de ses propres ailes loin de tous ces ordres, de tout ce qui a été prévu pour elle. Elle ne voulait pas d’une telle vie, elle ne voulait pas vivre de cette vie prémâchée, d’une vie réglée comme du papier à musique, elle voulait de l’aventure Saphyr, de l’imprévu, peut-être même des larmes si cela devait la faire se sentir vivante, et maintenant qu’Amadeus n’était plus là elle devait le faire seule. Mais cela ne la dérangeait pas, à part son frère, personne n’avait jamais compris ce dont elle avait besoin, enfin si… Il y avait Reid, mais désormais ils ne semblaient plus sur la même longueur d’onde… Il avait des réactions de plus en plus étranges, presque violentes… Pas envers elle, bien sûr que non, il n’oserait jamais, mais envers ses amis, masculins s’entend, et elle devait avouer qu’elle avait beaucoup de mal à le supporter. Elle entendait les murmures devenir de plus en plus forts, les regards de plus en plus insistants, c’était presque désagréable, même pour elle qui avait l’habitude d’être le centre de l’attention. Laissant échapper un soupir elle continua tout de même son chemin, dans l’espoir de se retrouver enfin seule. Mais, ce qu’elle découvrit au détour d’un couloir ne risquait pas d’arranger son humeur. Ouvrant de grands yeux devant la scène qui se déroulait face à elle, elle serra les poings rageuse avant de se diriger d’un pas assuré vers les deux jeunes hommes qui se battaient comme des lions sous le regard médusé d’une dizaine d’élèves. Grognant elle attrape le bras de son petit ami et le tire en arrière avec toute la force qu’elle peut, ne faisant pas attention au fait qu’elle risquait de se prendre des coups et s’exclama d’une voix forte en attirant fermement Reid vers elle : « Reid ! Arrête ! Mais laisse le bon sang ! » L’entrainant à l’abri des regards elle le plaque contre un mur avant de s’écrier d’un ton mauvais : « Mais qu’est-ce qu’il t’a pris putain ? Tu pètes des câbles en ce moment mon pauvre gars ! » Elle avait un mauvais pressentiment, comme une impression de déjà vu, comme si la situation lui rappelait quelque chose et qu’il se pourrait que cela ne se limite pas seulement à quelques bagarres idiotes. Ça lui faisait comme une boule au ventre, quelque chose qu’elle n’arrivait pas à définir mais qu’elle faisait passer pour de la colère. Parce que oui, elle était en colère. Parce qu’elle comprenait très bien pourquoi il faisait ça, il l’avait toujours un peu surprotégée, avait toujours été un peu possessif, cela faisait son charme, elle aimait bien se sentir importante à ses yeux mais cela prenait de trop grandes proportions, il commençait à lui faire peur, elle  n’arrivait pas à mettre le doigt sur qui il lui rappelait mais cela n’annonçait rien de bon. Elle ne cherche même pas à entendre sa réponse, cela ne ferait que la conforter dans son énervement, alors elle se contente d’un regard noir et menaçant. Elle ne le supporterait pas longtemps… Elle lui avait déjà dit, il était en train de la perdre mais il s’entêtait dans sa bêtise. Elle l’aimait, elle en était sure, plus qu’elle n’avait jamais aimé un autre, alors pourquoi tentait il de tout gâcher ? Soupirant elle finit par le lâcher, ne pouvant pas s’empêcher de serrer les poings malgré tout et lui tourne le dos, elle ne compte pas rester là alors qu’elle sait très bien que cela n’arrangera rien, il était énervé et elle aussi, elle tenait assez à leur histoire pour ne pas en rajouter.