La pluie battait les carreaux et le ciel de plomb paraissait peser sur Poudlard. Un voile de misère enveloppait le château et ses environ, le stade de quidditch n’était même plus visible et bientôt la cabane du garde-chasse serait englouti par le brouillard. Ciaràn, appuyé contre la vitre de son dortoir, observait le paysage, un air lugubre sur le visage. Il détestait la pluie. Il détestait le mauvais temps. Il détestait le confinement. Hyperactif dans l’âme, il suffisait qu’on lui dise de rester en place pour qu’il ne respecte pas cette règle. Hyperactif ou fauteur de trouble… ? Nul n’aurait su le dire. Même pas lui. Une seule chose comptait : il ne pouvait pas aller dehors alors il voulait désespérément y aller. Il suffisait de mettre des chaînes sur une porte pour qu’il s’y précipite comme un bélier. En grommelant, il descendit dans la salle commune, tourna en rond une fois, deux fois, trois fois… Ouvrit ses livres, les balança à travers la pièce sur un innocent de première année qu’il n’avait pas vu, s’excusa, recommença.
Et il s’en alla.
La salle commune lui paraissait étouffante et pour un peu il aurait souffert de claustrophobie. Et toujours ce temps absolument abominable dehors. Il savait qu’il devait ronger son frein jusqu’à pouvoir sortir mais l’attente était proprement insupportable. Il avait besoin de voir ailleurs. Et ses pensées qui tournaient dans sa tête, des pensées qu’il ne voulait pas être sienne. Des morts, des cris, des pleurs. Il voulait s’en débarrasser quitte à se lessiver le cerveau. Ce n’était pas lui ça, penser à l’éviscération d’un homme, un sourire aux lèvres, n’était pas normal. Bien qu’il ait des amis à Poudlard, il n’en avait aucun assez proche pour se permettre de lui raconter ce qu’il se passait dans sa tête. Un fou, voilà ce que l’autre aurait pensé. Et des amis encore… Il avait été un peu trop endommagé pour pouvoir prétendre connaître ce principe… Il appréciait certaines personnes mais c’était bien la première fois de son existence qu’une telle chose lui arrivait. L’amour était un sujet qu’il n’avait jamais abordé et qu’il ne connaissait pas. Le cœur qui bat ? Les papillons dans l’estomac ? Des conneries. Il était bien trop terre à terre pour y croire. Terre à terre ou endommagé… Il préférait ne pas y penser.
C’est au fil de ces pérégrinations psychologiques qu’il arriva dans le hall. Vide. Trop pour lui. Et dans un coin, un couple qui s’embrassait. Bigre, ils tombaient à pique ces deux là. Un demi-sourire s’inscrit sur les traits du gryffondor qui dans un soupir presque mélodramatique murmura entre ses dents :

« Juste ce qu’il me fallait. Pauvre de vous, l’amour me fait gerber… »

Il sortit lentement sa baguette comme pour savourer l’instant. Il adorait les couples. Il adorait les détester. C’était son petit plaisir. Mais jamais méchamment, jamais. Lui qui détestait l’injustice, il ne se serait pas permis de faire du mal gratuitement mais il était notoirement connu pour taquiner les couples dans les couloirs. Rien de mal à ça… Un passe-temps comme un autre. Il manquait seulement une petite chose à son tableau parfait. Et il la vit apparaître à l’orée de son champ de vision.
Il ne savait par quelle opération du saint-esprit elle avait pu deviner qu’il était là. Mais c’était plus qu’il n’en fallait pour rendre une journée aussi banalement ennuyeuse un tant soit peu intéressante. Cercei.

« Tu me suis ou quoi ? Tu arrives juste à temps… La mièvrerie ambiante me donnait envie de vomir. »

" We are young, we are strong
we’re not looking for where we belong
We’re not cool, we are free
And we’re running with blood on our knees "

La pluie, les nuages gris, le froid. Un temps monotone accompagné de cours ennuyeux. Cercei apprécie ce temps, mais quand elle est à l'extérieur et non à l'intérieur. Elle aurait voulu que son professeur de sortilège n'ait pas fait pas la bêtise d'embrasser sa compagne malade pour pouvoir assurer son cour. En remplacement, il y avait toujours ce bon professeur d'histoire de la magie qui était toujours présent pour donner cour même dans les moments les plus improbables. Cercei l'appréciait pour le grand homme qu'il représentait, il avait une culture impressionnante et la science infuse. Néanmoins, malgré sa passion pour la guerre et tout ce qui y touche de près ou de loin, Cercei n'arrive pas à accrocher. Elle fait une sorte de rejet ou alors il faudrait qu'il ajoute des animations qu'il capte l'attention de la blonde. C'est pour cela que dès qu'elle a un moment de libre, elle court à Pré-Au-Lard acheter des objets magiques pour pouvoir animer le cour et surtout embêter ses camarades. C'est bon enfant évidemment, Cercei n'est pas du genre méchante avec ceux qui sont gentils avec elle. En réalité, il y a seulement Dünya qu'elle embête en mode peste lorsqu'elles sont en classe ensemble. Heureusement aujourd'hui c'est un cour où les serdaigles et poufsouffles sont mélangés. Elle lance quelques boulettes de papiers à travers la salle, échange des mots avec Echo et s'amuse avec les cheveux de Perceval. Cercei est l'enfant terrible des poufsouffles, elle n'arrive pas à tenir en place. Le professeur quand à lui ne se rend compte de rien. Il y a une dizaine de passionnées qui occupent toute son attention à son plus grand bonheur.
Au bout de deux longues heures interminables, Cercei est officiellement libérée. La jeune femme a l'impression de revivre malgré qu'elle ait un coup de mou. Elle a beau se trouver des occupations pour lutter contre l'ennuie, le cour en lui-même suffit pour l'assommer. Elle traîne des pieds, elle est toute molle et pour une fois ce temps ne l'aide pas à reprendre du poil de la bête. Cercei se demande ce qu'elle va faire de son temps libre. « Tu viens avec nous à la grande salle ? » questionne Echo gentiment.  Elle acquiesce, après tout, manger un peu ne lui ferait pas de mal. Il y a beaucoup de monde, vraiment, beaucoup de monde. Cercei et Echo trouve un petit coin sur la table des poufsouffles, on dirait que personne n'a le coeur à s'aventurer en extérieur. Elles prennent le temps de manger, discutent de tout et de rien, puis Echo l'a quitte pour rejoindre Dylan dieu sait où. Elle a soigneusement proposée à Cercei de l'accompagner, mais cette dernière était vraiment éprise d'une flemme monumentale. Elle se lève à son tour et se dirige vers les couloirs. Au bout, elle aperçoit Ciaràn, un ami avec qui elle aime bien se changer les idées, l'embêter concernant ses relations amoureuses et surtout jouer les justicièrs. Il est celui son rayon de soleil au milieu de cette atmosphère sombre. « Tu me suis ou quoi ? Tu arrives juste à temps… La mièvrerie ambiante me donnait envie de vomir. » Elle suppose qu'il parle du couple en train de s'embrasser à s'en avaler leur langue tant le baiser était long et niais sur les bords. « Je comptais t'attaquer en douce, mais me voilà démasquée. Zut. » dit-elle en souriant et d'un ton ironique. « Plutôt dégueulasse hein ? » elle sort de sa poche une bombabouse, s'éloigne en entraînant Ciaràn avec elle et  balance l'objet au pied du couple histoire de redonner le sourire au gryffondor. Ils font comme si de rien était, tandis que le couple ne fait qu'un bond, hurle et s'éloigne aussitôt sec. « Dix points pour la team Cerràn, les couples zéros.  » dit-elle victorieuse en tapant dans la main de son acolyte. Il pleut et tout le monde est confiné à l'intérieur, un terrain de jeu parfait. « Tu as des cours aujourd'hui ? Parce que si ce n'est pas le cas, je pense qu'on pourrait traîner dans le château et embêter quelques couples, pétasses/péteux, si tu vois ce que je veux dire. » dit-elle en sifflotant, l'air de rien, elle sent que Ciaràn sera le seul à pouvoir égayer et surtout sauver sa journée.

L’atmosphère du hall se décompose en une espèce de coulis rose bonbon. Ciaràn ne saurait dire pourquoi la vision de ces couples mielleux lui donne une telle impression de vouloir les étrangler sans cesse mais maintenant il ne se pose plus la question. Il a vite compris que se lécher la glotte en public n’était juste et tout simplement pas son truc. Chacun sa vision des choses. La sienne était radicalement différente de tous ces clichés.
Il hausse les épaules au ton ironique de Cercei et se contente d’une moue laconique pour lui répondre. Pas de mots pour ça, elle le comprend bien sur ce point là. Elle est comme lui : pas du genre à s’étaler en public niveau sentiment. Avec elle, il se sent tout de suite moins décalé dans ce château pleins d’hormones où tellement de couples tiennent à montrer au monde entier combien ils sont fusionnels. La bombabouse que tient la poufsouffle dans sa main l’intéresse d’autant plus. Un peu d’animation n’est pas pour lui déplaire avec ce temps morne et pluvieux. L’Ecosse n’est décidément pas sa tasse de thé et il maudit chaque jour de pluie où il ne peut pas sortir. Légèrement hyperactif sur les bords, c’est juste un jour de plus où il va devoir se tourner les pouces et procrastiné. Ses devoirs attendront, il les fait toujours en retard de toute façon.
Un sourire presque machiavélique vient étirer ses traits tandis que la bombabouse, superbement lancée, vient s’écraser au pied du couple qui glapit en sursautant comme des lapins pris dans les phares d’une voiture. Enthousiaste, il frappe la paume de son acolyte :

« Rien de prévu. Rien qu’une journée de pluie »

Il désigne l’extérieur avec un regard exaspéré pour bien montrer combien il déteste être confiné au château. Il est comme un lion dans sa cage, à tourner en rond. Mais brusquement, la proposition de Cercei semble redonner un regain d’intérêt à sa journée.

« Je pense que quelques couples doivent s’ennuyer sans nous… il va falloir y remédier »

Avec un clin d’œil il l’entraîne derrière lui dans les couloirs. Pas de bombabouse sur lui mais il a sa baguette et il y a toujours moyen de s’amuser avec un peu de magie. Sans se faire attraper. S’ils se font prendre, c’est les heures de colle assurées au moins jusqu’à la fin du mois. Il en accumule déjà tellement qu’une de plus ou de moins ne ferait pas vraiment la différence mais voir la lumière du jour ne lui déplairait pas non plus. Alors autant se faire discret surtout que depuis quelques temps il est dans le colimateur du concierge.

« Je me suis fait pincer il y a deux jours avec une… ou deux bouteilles. J’aimerais autant qu’on évite tout ce qui touche à de l’autorité si tu vois ce que je veux dire … »

Au souvenir de la confiscation, il se renfrogne. Il les avait payées ces bouteilles … Pour une de ces fêtes avec Jagger et toute la clique.

« J’aime pas ce temps. Tout le monde est coincé à l’intérieur et on croise forcément des couples ou des profs. Tu comprends, je commence à développer une allergie à tous ces types de personnes ! »

Son ton, bien qu’ironique, laisse entendre qu’il a de plus en plus en horreur le fait de devoir croiser ce genre d’engeance tous les jours. Mais la vie en communauté est faite de bonnes et de mauvaises rencontres. Lui qui avait pourtant jusqu’ici eut l’habitude de croire que tout le monde était plus ou moins mauvais, il était revenu sur ses convictions en arrivant à Poudlard. Il avait en effet rencontré des gens vraiment digne d’intérêt et qui ne cherchaient pas sans cesse soit à fouiller dans son passé ou dans ses pauvres affaires. Deux choses qu’il exécrait plus que tout.
Au détour d’un couloir, il entendit le pas claudiquant du concierge qui arrivait. Son cœur rata un battement.

« Alerte ! Rouge l’alerte ! L’autre taré de concierge se ramène, c’est fichu pour moi s’il me trouve ici ! Il va encore croire à des trucs louches et je vais avoir droit aux heures de colle à perpétuité ! »

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