Tout avait commencé avec un mot étrange, apporté par un hibou tout aussi étrange. En voyant l'animal se poser devant lui, Ulysse avait eu un mouvement de recul, fronçant instinctivement les sourcils. Les seules personnes susceptibles de lui envoyer du courrier étaient ses parents, et il était presque certain qu'ils ne possédaient pas cette race. En grand amateur de rapaces, le jeune homme avait déjà soigné la plupart des hiboux de la demeure Knight, et il ne reconnaissait pas celui-ci. Que pouvait-on bien lui vouloir ? Intrigué, il avait lentement déplié le bout de parchemin, et avait parcouru les quelques mots manuscrits d'une écriture fine. Il ne l'avait pas reconnue, et le message avait achevé de gagner sa curiosité. On lui avait donné un rendez-vous dans les cachots, un peu plus tard dans la journée. De qui venait cette missive ? D'une admiratrice ? Ulysse en avait douté. Il savait avoir son lot de groupies, mais aucune d'entre elles n'était assez stupide pour agir comme cela, non ?

Quelques heures plus tard, le préfet hésitait toujours. Il n'avait aucune envie de perdre son temps à attendre bêtement dans une salle des trophées vide, et la perspective de tomber face à une folle ne l'enchantait pas davantage. C'est après de longues minutes de réflexion qu'il finit par se lever de son agréable fauteuil de la salle commune des serpents. Après tout, il attendrait cinq minutes, et partirait si personne ne venait dans ce délai. D'un pas décidé, il traversa la pièce sous les regards anxieux de ses camarades, et quitta les cachots pour s'engouffrer dans les escaliers farceurs de l'école. Par chance, il ne lui fallut qu'une dizaine de minutes pour atteindre le troisième étage, et pénétrer dans la salle des trophées. Prudemment, il dévala les quelques marches, et se figea. Devant lui se trouvait un homme qu'il reconnaîtrait entre mille. Même de dos, Achille restait fidèle à lui même. Mais que diable faisait-il ici ? Etait-lui qui lui avait envoyé ce mot ? Même s'il l'avait fait, le serpentard se demanda pourquoi il l'aurait fait. Les deux frères n'avaient aucune envie de se voir, et s'évitaient consciencieusement depuis plusieurs mois. Si le lion avait voulu lui adresser la parole, il l'aurait fait depuis longtemps. Fronçant les sourcils, Ulysse avança d'un pas, et vit son frère se retourner brusquement. Lorsque ce dernier lui fit face, il le toisa d'un regard froid. Le préfet n'avait jamais été de nature très avenante, et intimidait souvent ses camarades. Le fait de se retrouver face à Achille ne le rendait pas plus agréable, et sa mâchoire se crispa lorsqu'il prit la parole. La surprise du gryffondor semblait sincère, et s'accordait étrangement avec la sienne. Alors comme ça, lui aussi avait atterri ici sans savoir qui l'avait invité ? Le jeune homme en doutait, et il avait beau voir l'expression perplexe de son frangin, il ne pouvait s'empêcher de se méfier. Finalement, il haussa les épaules, et répondit sèchement. « Je n'ai pas que ça à faire ». Et il disait vrai. Entre ses cours, dans lesquels il se devait d'exceller en tous points, le quidditch, même histoire, et son rôle de préfet, le brun n'avait pas une seconde à consacrer à ce genre de gamineries. Cela faisait bien longtemps qu'il avait renoncé à comprendre son frère, et les deux s'étaient braqués l'un contre l'autre. Même des mois après son départ de la maison, Ulysse continuait d'en vouloir à Achille, et pour rien au monde il n'aurait sacrifié son précieux temps pour le rencontrer. Maintenant qu'ils étaient la, le serpentard sentait son agacement croître. Il n'avait aucune envie de déclencher une énième dispute entre eux. « Vu ta tête, tu ne sais pas non plus ce que tu fais ici ».  Tâchant de se détendre un minimum, Ulysse fit quelques pas en direction d'une vitrine opposée à celle qu'Achille contemplait. Il fixa une coupe pendant quelques secondes, effleurant du regard le nom qui y était gravé. Il s'agissait d'un ancien élève de serpentard, duquel il s'était souvent inspiré pendant ses entrainements. Cette pensée parvint à arracher un demi-sourire au jeune homme, qui reporta son attention sur son frère, un peu plus détendu. « Visiblement, quelqu'un nous a fait une mauvaise blague », lâcha-t-il sur un ton légèrement amer. Maintenant qu'ils étaient la, le préfet tenta de se convaincre que rester diplomate était la meilleure solution. Plus vite ils se tiraient de ce malentendu, et plus vite ils s'éloigneraient l'un de l'autre, ce qui valait mieux pour tout le monde. S'ils se mettaient à régler leurs comptes, ils en auraient pour des heures, et Ulysse n'était pas certain d'en avoir envie. Il observa un instant Achille, pensif. On leur avait parfois dit qu'ils se ressemblaient, petits, mais le serpentard n'y avait jamais cru. Déjà à l'époque, leurs personnalités s'opposaient radicalement, et il se sentait étranger à la nonchalance habituelle de son frère. Maintenant que le temps avait passé, le jeune homme avait l'impression que le fossé qui les séparait autrefois s'était transformé en un gouffre infranchissable, digne des films apocalyptiques. Il était persuadé cela ne changerait pas, savait se montrer borné lorsqu'il le voulait. Silencieusement, il espéra que cette drôle de situation soit réglée rapidement, histoire qu'ils puissent tous les deux retourner à leurs petites affaires.