after the night when i wake up, i'll see what tomorrow brings

Elle regardait à travers la barrière invisible de la fenêtre la nature et l’étendue d’eau du fjörd sombrer peu à peu dans les tons bleu-gris du crépuscule. Bientôt, tout ne serait plus que ténèbres. Bientôt, tout disparaîtrait. Se sentant envahie d’une angoisse sourde, elle ferma les yeux, s’envolant dans le silence pur, vide, sûr et serein. Non. Il y avait quelqu’un. Non. Le silence était sien, son seul abri. Ils étaient encore loin, mais ils étaient plusieurs. Le verre était désormais la dernière protection empêchant les ténèbres d’entrer, les ténèbres à présent transpercées de lumières petites comme des insectes, mais qu’elle ne pouvait écraser entre ses mains. Quand elle les rouvrait, elles étaient toujours là, et plus proches. Les cris étaient plus forts. Elle s’écarta de la fenêtre,  sans accorder la moindre attention à l’inconnue qui s’y reflétait, pour s’enfermer dans son refuge dans le mur, parmi les vêtements. Sentir les murs autour d’elle la rassurait, si les murs l’entouraient, personne ne pouvait passer au travers pour lui faire du mal. Les cris étaient de plus en plus forts, et elle pouvait les entendre, sentant la fumée. BAM ! BAM ! BAM ! La maison avait tremblé sous les coups dans la porte, et elle pu sentir son crâne affreusement tambouriner en rythme, hurlant alors qu’elle le prenait dans ses mains.

« VOYANTE ! » hurla une voix grave comme le diable à l’extérieur, mais tout aussi proche que si elle s’était trouvée à côté d’elle. « VOYANTE ! MONTRE-TOI ! » Les mots se formaient, traversaient l’air puis la heurtaient de plein fouet au fin fond de son refuge, rebondissant contre la barrière de son esprit, se brisant en milles morceaux et perdant tout leur sens avant de trancher leur chemin jusqu’à son cerveau. Chaque consonne était une souffrance. Chaque voyelle la faisait hurler. « NOUS SAVONS QUE TU ES LA ! NOUS SAVONS CE QUE TU AS FAIT ! TRAITRESSE ! VENDUE DE DURMSTRANG ! » Ce nom. Elle connaissait ce nom. Elle vit une baguette se dresser vers elle et une lumière verte déchirer sa chair et son âme. Elle se mit à hurler à tout rompre, un simple souvenir plus douloureux que n’importe quelle peur présente, son esprit confondant passé, présent et avenir dans un brouillard de ténèbres et de souffrances. Un brouillard sentant le feu et la fumée. Elle ne pouvait plus supporter la torture. Le sortilège lui brisait les os et les idées, lui brûlait la peau et la conscience, lui arrachait la voix et la raison. Elle sortit de son refuge et échappa à sa mémoire…

…Pour se retrouver dans les flammes. Le feu et la fumée étaient partout. Dans les poutres qui s’émiettaient au-dessus d’elle, dans le sol qui lui léchait les chevilles, sur ses vêtements qui s’envolaient en étoiles autour d’elle. Elle se précipita vers les escaliers, descendant droit en enfer, et dont les dernières marches s’écrasèrent sous son poids. Marchant dans la braise, volant dans les flammes, elle se jeta contre le porte… qui ne fit que grincer, sans bouger. « BRÛLE, TRAITRESSE ! » cru-t-elle discerner dans le rugissement des flammes.

Symbelmÿne recula et se recroquevilla sur elle-même, se protégeant entre ses genoux et sous ses bras. Symbelmÿne ! Elle se souvenait soudain de son propre nom, recouvrant miraculeusement la raison quelques minutes avant la mort. Il semblait que la peur de la souffrance que Durmstrang avait marqué à vie dans son esprit et qui lui avait aveuglé la raison était inutile, maintenant que la mort était inévitable. Durmstrang. Une année dans son école magique avant qu’ils ne la détruisent. Puis des années de torture, des années de cris et de hurlements, avant le silence. Plus que jamais, Symbelmÿne regrettait le silence, au milieu du rugissement des flammes qui asséchaient tout, jusqu’à ses larmes sur ses joues écorchées. Lui avait le don du silence. Lui savait quand ne pas parler. Bon sang, Symbelmÿne ne savait même pas, ne saurait jamais le nom du sorcier qui l’avait libérée, qui l’avait cachée et protégée tout ce temps. Etait-il déjà mort ? Avait-il été la proie des mêmes sorciers qu’elle à présent ? Symbelmÿne se mordit la main cruellement, transperçant la peau et les veines, laissant le sang couler sur le sol. Son sang n’était plus si précieux maintenant qu’elle n’avait plus que des secondes. Mais le sang était un précieux miroir vers l’avenir. Car Symbelmÿne était voyante. Elle s’en souvenait à présent. Et ce sang qu’elle étalait sur le sol n’était pas le sien, il était celui du sorcier qui l’avait protégée, qui mourrait, ou était mort, la tête tranchée… Symbelmÿne aurait préféré rester folle jusqu’à la fin. La mort était partout autour d’elle, même la sienne. Elle la voyait à présent, devant elle, droite au milieu des flammes, la peur sur son visage… Elle était effrayée. Ce n’était pas la mort, réalisa alors Symbelmÿne, c’était elle. Elle, avec une étrange coiffure, et d’étranges vêtements…

« M’entends-tu ? » se demanda-t-elle à elle-même. Son reflet, son fantôme, acquiesça lentement, ses yeux brillants plus encore que les flammes.
« Es-tu ma vie à venir ? » Symbelmÿne n’eut aucune réponse de sa vision. « Si tu es bien ma réincarnation, ne te souviens pas ! Tu m’entends? Rappelles-toi ! Ne te souviens pas!  »

crushed and filled with all i found underneath and inside

Morgan se reveilla en sursaut, son cri de terreur bloqué dans sa gorge. Elle suffoqua un instant, avant de recouvrer enfin sa capacité à respirer et de retomber sur ses oreillers, haletante. Quel horrible cauchemar ! Elle avait rêvé qu’elle était en train de brûler dans une maison, dans laquelle elle était enfermée. Elle n’avait pas été seule, une autre femme avait été agenouillée sur le plancher, les mains en sang. Elle l’avait regardée, se souvint soudain Morgan, un frisson lui parcourant le dos. Elle lui avait parlé. Que lui avait-elle dit déjà ? Le rêve commençait déjà à s’effacer de sa mémoire. Mais elle pouvait sentir qu’il n’avait pas été ordinaire. Ses draps étaient trempés de sueur, mais pas froides comme celles d’une terreur nocturne. A vrai dire, Morgan transpirait de chaud. Elle était brûlante et sa gorge était encore douloureuse de la fumée qu’elle avait respirée. Elle pouvait encore en sentir l’odeur dans les narines.

Non, ce n’était que la bougie qu’elle avait laissé allumée sur sa table de nuit. Morgan retrouvait peu à peu ses esprits. Elle n’était pas dans une maison en feu. Elle était en sécurité dans sa chambre à Poudlard. Demain commencerait une nouvelle semaine, son Lundi commencerait comme d’habitude avec un double-cours de première années de Poufsouffle, puis des sixièmes années Gryffondor avant de finir par une cinquième année Gryffondor/Serpentard. Elle allait d’ailleurs leur rendre leurs rédactions sur les propriétés de la poudre d’Asphodèle (un exercice de type B.U.S.E.s ) qu’elle avait fini de corriger dans la soirée… ou pas.

Morgan sauta d’un bond de son lit, laissant les dernières traces de son rêve derrière elle, l’oubliant parfaitement. Elle était encore toute habillée. Elle avait commencé à s’endormir sur les derniers parchemins, et avait préféré dormir quelques heures plutôt que de les bâcler. Il fallait bien avouer que tous les parchemins n’étaient pas forcément des lectures passionnantes. Beaucoup ne s’étaient contentés que de recopier quelques passages de Milles et Une Plantes Magiques, mais n’y avait pas ajouté la moindre réflexion personnelle ou liaison avec leurs travaux pratiques. Quand elle eut finit les cinq derniers parchemins, elle sortit sa baguette et la fit virevolter au-dessus de la pile. Une seconde, identique, apparu, avec seulement des Piètre, des Désolant, même quelques Troll. Morgan avait conscience que ses élèves de cinquième année ne visaient pas plus haut que le Acceptable, alors qu’elle savait qu’ils étaient capable de mieux faire. Ils concentraient leurs efforts sur d’autres matières, Sortilège, Métamoprhose… Elle utilisait donc cette tactique pour qu’ils se forcent à écouter les corrections et conseils, avant de leur donner leur note réelle.

Son méfait accompli, Morgan prit cette fois la peine de retirer ses vêtements, puis s’enfonça sous ses draps afin de profiter des quelques heures de sommeil qu’il lui restait. Une odeur de métal fondu lui remplit à nouveau les narines. Un mauvais pressentiment la saisit un moment en repensant aux premières années qu’elle aurait demain. Mieux valait préparer un chaudron de rechange, certains maîtrisaient encore mal la température de leur feu sous les leurs.