Neuf ans.

Elle ouvrit enfin les yeux, meurtrie et tremblante. Allongée sur un lit, encore attachée par les quatre membres à des chaînes, elle releva la tête avant de se laisser choir sur l'oreiller sous elle, fatiguée. Là, elle se mit à pleurer sans bruits, les larmes ne cessant de couler sur ses joues rougies. Tout son corps lui faisait atrocement mal, mais le pire se passait dans sa tête. C'était sa dixième transformation et c'était toujours aussi terrible et douloureux. A chaque pleine lune, elle se sentait un petit peu plus monstrueuse : elle n'arrivait pas à accepter. Comment aurait-elle pu ? Comment pouvoir encore espérer avoir une vie normale, désormais ? « Chérie ? Tu es réveillée ? », appela Charles Greyjoy d'une autre pièce. Ils avaient déménagé de leur petit appartement dans le centre londonien pour une petite maison isolée et solitaire, dans la campagne. Là, personne ne pourrait se demander pourquoi, les soirs de pleine lune, on entendait des hurlements terribles. Peah ne répondit pas à son père, mais celui-ci arriva néanmoins dans la chambre pour lui lancer ce regard qu'elle détestait tant : un mélange de culpabilité et de pitié. Oui, c'était de sa faute si elle en était là, douloureuse et attachée. Elle savait que c'était le mieux pour elle, bien sur : elle le comprenait et voulait d'elle-même être retenue par ces chaînes. Elle ne supportait pas l'idée de pouvoir blesser quelqu'un, même sans le vouloir. Elle ne se rappelait jamais de ce qui se passait, durant ses transformations. Mais toujours, son réveil s'accompagnait de douleurs atroces, d'un sentiment de dégoût. Son père ne dit rien et se mit à lui enlever une à une ses chaînes, libérant ses chevilles et poignets douloureux. Ils étaient violets : elle avait du tirer avec une force surhumaine pour se faire tant de mal. Pas surhumaine, animale, se corrigea-t-elle. « Peah, chérie, si tu savais comme je suis désolé... Je... », commença le père, visiblement crevé par la nuit qu'il venait de passer. « C'est bon, papa, c'est bon », fut la seule réponse que Peah put lui donner. Elle lui en avait voulu mais ce sentiment lui était passé. L'étape suivante était d'accepter ce qui lui arrivait, ce qu'allait être sa vie. Elle paierait toute sa vie les dettes de jeu de son père. Ce père qui, après qu'elle soit venue au monde en tuant sa mère, s'était réfugié dans les jeux d'argent, gaspillant le moindre gallion. Peah avait été délaissée toute sa petite enfance, son père confiant sa garde à de multiples baby-sitter, parfois la laissant carrément seule. Il avait joué avec un lycanthrope et avait perdu, ce dernier étant venu pour se venger auprès d'une enfant innocente : un dommage collatéral, une punition. Quoi de plus terrible pour un père que de voir son enfant ainsi ? Il avait été un mauvais père, jusqu'à ce que ses erreurs amènent à une tragédie : sa fille mordue par un loup-garou, elle-même en devenant un à son tour. Il l'avait retrouvé un soir, mordue et nauséeuse, tremblante et traumatisée, dans son lit ensanglanté. Immédiatement, il l'avait conduite à Ste Mangouste et le diagnostic était rapidement tombé : « Votre fille a été mordue par un lycanthrope. Nous ne pouvons rien faire : elle a survécu et en deviendra un à son tour. Je ne peux que vous conseiller quelques bouquins à lire pour vous préparer. Elle sera répertoriée comme lycanthrope dans les fichiers du ministère, comme la procédure le veut ». Charles Greyjoy était tombé des nues, comprenant en même temps que tout était de sa faute. Les médicomages avaient été compatissants mais rien ne pouvait y changer : Peah était une petite fille innocente, devenue un monstre aux yeux de la société sorcière. « Les... Les transformations devraient devenir de moins en moins douloureuses, à présent », annonça le père, en caressant les cheveux de sa fille. Elle allait fêter ses dix ans dans quelques jours. « Comment je ferai, une fois à Poudlard ? Les soirs de pleine lune, si tu n'es pas là pour m'attacher ? Peut-être même que je ne recevrais pas ma lettre. Ils doivent savoir ce que je suis, ils ne me voudront pas », dit Peah, tournant la tête pour cacher les nouvelles larmes qui lui montaient aux yeux. Elle se sentait profondément terrassée par l'injustice de la vie. Charles Greyjoy regarda sa fille, avec toujours cet air de culpabilité immense, de désarroi. Néanmoins, il répondit avec tout l'optimisme qu'il lui restait : « Il existe une potion, du Tue-Loup. Ce n'est pas facile à préparer, très difficile à trouver aussi mais je pense pouvoir me débrouiller. Tu en prendras et cela atténuera tes transformations. Tu pourras peut-être même te contrôler entièrement, je ne sais pas. Tu auras la vie que tu rêves, je te le promets, Peah ». La petite fille jeta un regard anxieux vers son père, qui esquissa un petit sourire, le premier depuis longtemps. Il attrapa la main de sa fille pour la lui serrer, ce qui fit arracher un petit cri de douleur à sa fille. Ils se regardèrent un moment, et l'impossible se produisit : ils éclatèrent de rire.

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Quatorze ans.

❝ Chère Miss Peah Ysolde Greyjoy,
Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription au Collège Poudlard. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.

La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou le 31 juillet au plus tard.

Veuillez croire, chère Miss Greyjoy, en l'expression de nos sentiments distingués.

Astaroth Melwyn,
Directrice de Poudlard ❞

En plus de la liste des fournitures, une autre note était jointe à la lettre, plus personnelle :

❝ Chère Miss Greyjoy,

En raison de vos problèmes de santés connus, vous recevrez très prochainement une visite médicale de la part de notre infirmière scolaire. Lors de ce rendez-vous, l'infirmière prendra toutes les informations nécessaires au bon déroulement de votre scolarité. L'école et moi-même sommes disposées à rendre votre passage à Poudlard le plus agréable possible, et votre collaboration est essentielle.

Astaroth Melwyn,
Directrice de Poudlard. ❞

Quelques jours plus tard, l'infirmière annoncée s'était présentée au domicile des deux Greyjoy, afin d'examiner l'état de Peah et de lui poser quelques questions, à elle et à son père. L'essentiel était de déterminer comment se passaient les transformations et comment Peah et son père géraient-ils la situation, sur le plan physique et psychologique. Sur ce, l'infirmière promit que Peah serait sous bonne garde, qu'elle disposerait des doses d'aconit nécessaires avant chaque pleine lune, et enfin qu'elle serait examinée par l'infirmière après chaque transformation. De même, un endroit avait été spécialement prévu pour l'accueillir lors de ces nuits terribles : la cabane hurlante, que chacun jugea porter bien son nom.

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Quatorze ans.

« Est-ce que ça va ? », demanda Cordélia, lui tendant des vêtements propres. Peah les attrapa et entreprit de se débarrasser des lambeaux de vêtements qui la recouvraient encore, pour se vêtir des nouveaux, propres et entiers. « Ça va », répondit-elle, avant de se redresser. Au début, elle n’avait vraiment pas pu s’empêcher de hurler sur Cordélia, de lui dire qu’elle était folle et qu’elle allait se faire tuer. Aucun des arguments qu’elle avait mis en place pour faire fuir Cordélia n’avaient fonctionné : ils avaient même produit l’effet inverse. Elle avait vraiment insisté. Après avoir débattu un long moment sur la dangerosité de la chose, Peah était passée à une toute autre réflexion : elle détestait l’idée que quelqu’un soit au courant. Mise à part la directrice et l’infirmière, ainsi que quelques professeurs –celui de potions pour ne citer que l’essentiel-, personne n’était au courant. Du moins jusque-là. Jusqu’à ce que Peah se réveille et ne découvre Cordélia, baguette en main et regard résigné. Elle l’avait suivi jusqu’à la cabane hurlante, avait assisté à sa transformation et en était sortie indemne. Peah s’était d’abord demandée comment, puis elle était vite passée à la phase « lui hurler dessus le plus fort possible ». Trois pleines lunes plus tard, Cordélia était toujours là. Il fallait bien reconnaître qu’au final, Peah était plutôt soulagée de l’avoir à ses côtés. Cordélia enchaînait ce qui était devenue son amie avec de la magie, puis attendait sagement que les choses se passent ; elle lui apportait toujours de nouveaux vêtements et même quelques gourmandises magiques pour se requinquer. Peah, elle, se sentait quand même toujours aussi monstrueuse.  L’aube pointait le bout de son nez lorsque les deux jeunes filles quittèrent la cabane hurlante pour rejoindre le château : Peah se rendrait à l’infirmerie pour sa visite habituelle tandis que Cordélia rejoindrait tranquillement son dortoir. « Seeley m’a dit que vous sortiez ensemble », annonça la Serpentarde. Peah lui lança un regard brillant, avant d’annoncer la couleur : « Je ne veux pas qu’il soit au courant, tu vois. Il ne doit jamais savoir ». Peah avait longuement réfléchi –enfin, c’est ce qu’elle pensait- et était certaine de pouvoir mener une vie normale malgré son mal. Pour autant, elle n’était absolument pas prête à mettre au courant Seeley, alors que même Perceval ne savait rien. Elle ne voulait pas qu’ils sachent, parce qu’elle s’attendait à ce qu’ils fassent comme Cordélia : qu’ils veuillent l’aider. L’aconit aidant un peu, elle pouvait à peu près se contrôler et au moins rester enchaînée dans la cabane hurlante, sous l’œil de Cordélia. Cela réduisait grandement les chances de blesser quelqu’un. Elle tenait déjà trop à Perceval et Seeley pour risquer de les blesser. Pour Cordélia, c’était différent. Non pas qu’elle se fichait de la blesser –au contraire, elle finissait vraiment par aimer cette fille- mais elle décelait quelque chose chez la Serpentarde qui lui faisait penser qu’elle saurait se préserver. De plus, elle avait promis de devenir animagus et c’était en bonne voie, douée comme elle était. Bientôt, Cordélia espérait atteindre son but et ne plus à devoir enchaîner Peah, même pour le bien de tout le monde. « Je ne lui dirais rien. Mais un jour, tu devras le faire », lui répondit simplement Cordélia. Peah avait pensé que, peut-être, Cordélia s’insurgerait de cette relation et ordonnerait à Peah de s’éloigner de son frère, pour le protéger. Visiblement, c’était tout le contraire. Cordélia semblait ravie et avait même l’air de penser que Seeley et Peah étaient réellement faits pour être ensemble. Du style, âmes sœurs. Peah trouvait l’idée vraiment bizarre mais il fallait bien avouer qu’elle avait vraiment eu un coup de foudre pour ce garçon, comme dans les bouquins. Elle ne voulait pas encore dire tout haut que c’était le grand amour, mais elle commençait à le penser. « Et euh… Toi et Perceval… », commença Peah avant de croiser le regard sombre de Cordélia et de s’arrêter net pour s’entendre dire : « Jamais ». La Serpentarde semblait avoir pris une décision irrémédiable mais tout comme Perceval, Peah espérait secrètement qu’un jour, sa nouvelle amie se laisserait conquérir.

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Dix-neuf ans.

« Seeley ? » commença-t-elle en lui tapotant l’épaule, alors qu’il parlait avec un de ses camarades. Le garçon se retourna et sourit à Peah, s’approcha pour l’embrasser. La jeune fille recula, le visage blême. Comme elle s’y attendait, le garçon ne comprit pas et fronça les sourcils. « Qu’est-ce que t’as ? », fit-il, mécontent. Son impulsivité n’était pas un fait nouveau pour Peah et elle-même n’était pas en reste, mais cette fois, elle ne voulait pas de disputes. Pas de disputes, pas de réconciliations. Juste lui dire ce qu’il fallait et ensuite, courir s’enfermer dans les toilettes les plus proches pour pleurer tout son soûl. «  C’est fini, nous deux, Seel », annonça-t-elle de but en blanc. Tout d’abord, le garçon ne réagit pas. Puis il allait parler, mais Peah lui coupa la parole pour lui répéter : «  C’est fini ! », avant de tourner les talons pour s’enfuir au loin. Elle ignora les appels de Seeley derrière elle, ravalant ses larmes. Deux jours plus tôt, Peah avait failli commettre l’irréparable. Louve et enragée malgré sa conscience qui lui hurlait tout au fond d’elle de se calmer, elle avait réussi à sortir de la cabane hurlante. Là, elle avait été à deux doigts de s’attaquer à Seeley, qui passait par là en rentrant d’une soirée à Pré-au-Lard. Elle s’était reprise juste à temps pour retourner s’enfermer dans sa cabane, sous l’œil effaré de Cordélia. Elle avait ensuite évité son petit ami jusqu’à prendre la seule décision qui s’imposait à elle : le quitter pour le protéger d’elle-même. S’il s’acharnait à rester près d’elle, c’était sure, elle finirait par le tuer. Elle qui rêvait d’une vie normale, tous ses plans d’avenir se retrouvaient jetés au loin, dans un océan de larmes et de désespoir.

Des souvenirs. Il ne lui reste plus que ça, à présent. Ils sont tous morts, et elle, elle est vieille. Voilà bien longtemps qu'elle ne s'est pas regardée dans un miroir, mais elle sait que le temps a fait son action. Elle est morte avec eux, elle le sait. C'est la cruauté de la vie qui fait encore tenir le fil de son existence. Elle est sadique, veut encore la faire souffrir un peu. Comme si elle n'avait pas déjà assez souffert. Des flashs. Les corps mutilés et sans vie de sa mère, de ses sœurs. L'horreur de la bataille. Un éclair violet, un cri. Lui, dans ses bras. Elle, qui pleure : elle le serre fort, veut qu'il lui revienne. Il est dans un autre monde, il est mort. A chaque fois que Guinevere se remémore ce jour-là, malgré elle, elle perd un peu plus la tête. Elle hurle et se recroqueville par terre, sert contre elle un corps imaginaire en murmurant des paroles réconfortantes. Dans sa cabane cachée dans la forêt interdite, elle est seule depuis des années. Elle n'a jamais compté, parce que ce serait de la torture. Parfois, elle chuchote les prénoms de tous ceux qu'elle a connu : Corey, Gabriel ; Sofia, dont la trahison lui a fait perdre tout espoir. Guinevere est vieille et vide et pleine de souvenirs. Une énième fois, un flash. Le corps inanimé de l'être aimé. Elle hurle et se laisse tomber contre le sol crasseux de sa cabane lugubre, cet endroit sans vie où elle rend son dernier souffle en murmurant : « Je t'aime et tu me reviendras ». Dans une autre vie, peut-être.

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Cinquante-et-un an plus tôt (1620).

Guinevere était éreintée : le souffle court, le visage entaillé et les cheveux roussis, elle était toujours vêtue de sa jolie robe bleue, désormais déchirée et chiffonnée. A ce moment précis, elle aurait dû être en train de féliciter ses amis pour leur mariage, célébrer l'union de Gabriel et Sofia. Mais rien ne s'était passé comme prévu. Guinevere n'avait rien vu venir, et ne comprenait toujours pas l’enchaînement des événements. Son esprit était trop occupé par l'instinct de survie pour pouvoir vraiment réfléchir. Elle avait fui comme les autres, alors que Poudlard était attaqué par les slaves. Baguette en main, fidèle amie, elle avait lancé quelques sortilèges avant de tenter de chercher ses amis. En vain. Elle était retournée dans le cœur de la bataille, parce qu'il lui était impossible de simplement se cacher et attendre. Autour d'elle, des corps agonisants, des corps sans vie. Alors que les anglais semblent résignés, les slaves, eux, virevoltent et jubilent. Ils ont infiltré Poudlard et ils peuvent appliquer leur dessein. Ils pensent déjà avoir gagnés : ils n'ont même pas peur de la mort, ils ne veulent que la donner à leurs ennemis. A ces anglais qui défient Freya Romanov depuis bien trop longtemps. Guinevere est au milieu de tout ça : elle fait de son mieux, mais elle n'est pas un héros de guerre. Ne le sera jamais. Elle lance sortilèges sur sortilèges, sa baguette frétille dans sa main, comme excitée par l'ambiance qui règne ici bas. Elle se sent incapable de lancer des sortilèges de mort, mais use et abuse de Stupefix. C'est alors qu'elle le voit : il fend la foule, les combats et la rejoint. Il est là et c'est bien lui. C'est Corey et il est vivant. Il va la rejoindre, elle lui tend les bras. Leurs mains se touchent presque lorsque Guinevere voit filer un éclair violet, qui touche Corey entre les deux omoplates. Guinevere, toujours les bras tendus, ne peut que réceptionner le corps de Corey. Elle tombe à genoux, attrape le visage de son fiancé entre ses deux mains. Elle le regarde, et pendant un moment il lui semble que lui aussi, la regarde. Mais non, elle se rend compte que ses yeux sont ouverts mais sans vie. Elle l'embrasse encore et encore, hurle sa peine au monde qui l'entoure. Autour d'eux, la bataille fait rage, mais Guinevere ne le voit plus. Il n'y a plus qu'elle et le corps inanimé de Corey. Elle n'a même pas eu le temps de lui dire une dernière fois qu'elle l'aimait. Elle secoue son corps, veut qu'il revienne. Il ne peut pas être mort, il ne peut pas lui faire ça. Il ne peut pas lui revenir enfin juste pour mourir dans ses bras. Mais si, il l'a fait. Guinevere voit la mort en face d'elle et en perd déjà l'esprit. Elle continue de hurler et personne ne la fait taire. Elle aussi, elle voudrait mourir. Mais la bataille se poursuit autour d'elle et bizarrement, personne ne se préoccupe de cette fille qui hurle.
Plus tard, un inconnu l'emmène dans le château et c'est là qu'elle apprend : Sofia a trahi et Gabriel a été assassiné. La nouvelle finit de l'achever, de la détruire de l'intérieur. Elle n'est plus qu'une coquille vide, qui vivra dans le passé jusqu'à sa mort.

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Quelques mois avant (1620).

« Ils ont tué mon frère ! », disait-il, frappant le mur de ses poings. Guinevere était recroquevillée au sol, les genoux ramenés contre sa poitrine et le dos collé au mur. Son visage était rougi, elle avait beaucoup pleuré et pleurait encore. « Ils ont aussi tué ma mère, et Lydia et Ysolda », répondit-elle entre deux sanglots, d'une voix lointaine. Il n'y avait même pas de place pour la colère : elle était juste anéantie, profondément triste. Elle était rentrée à Poudlard après avoir reçu cette missive, lui annonçant l'assassinat de sa famille. Guinevere était rentrée le plus vite possible, avait quitté Durmstrang sans explications pour ses ennemis qu'elle espionnait. Ils ne comprendraient pas : peut-être même Nikolina la chercherait un temps, avant d'abandonner. Elle n'avait pas été repéré. Elle était juste revenue, pour voir les tombes de sa mère, de ses sœurs. Elle n'avait pu rentrer à temps pour leur enterrement. Elle n'avait pu les voir une dernière fois. A présent, elle regrettait amèrement d'être partie. De les avoir laissées. Corey n'arrêtait pas de lui dire que ce n'était pas de sa faute, mais elle ne pouvait s'empêcher de se sentir atrocement coupable. Elle aurait dû être là pour les protéger. « lls ont tué mon frère ! », répétait inlassablement Corey. Lui aussi avait perdu quelqu'un : le seul frère qu'il n'ai jamais aimé. Les autres l'avaient toujours maltraité mais celui-là, ce frère-là, avait toujours été gentil. Avec Guinevere, aussi. Elle l'avait connu : il les avait félicité pour leurs fiançailles. « Je dois aller à Durmstrang, je dois le venger », finit-il par lâcher. Enfin, il arrêta de frapper le mur pour se tourner vers Guinevere, qui leva un regard outré vers lui. « Jamais ! », fit-elle d'une voix forte. Corey s'agenouilla devant elle, pour être tout près. « Guinevere, tu dois comprendre que... » « Jamais !! », cria la jeune fille tout en se prenant la tête dans ses mains, se remettant à pleurer. « Tu ne peux pas me faire ça, Corey. J'ai besoin de toi », reprit-elle plus doucement, les larmes ne cessant de couler. Elle ne pourrait pas supporter son absence, l'inquiétude qu'elle aurait chaque heure de chaque jour, le désespoir d'apprendre un jour une terrible nouvelle. « Poudlard a besoin de moi, Guinevere. Je reviendrai lorsque ce sera fini, et nous nous marierons », répondit le jeune homme, sur de lui. Sa fiancée se redressa brusquement et lui colla une énorme gifle, qui le laissa sans voix. Se reprenant, il se remit debout et toisa celle qu'il aimait, se frottant la joue rougie : « Tu ne peux pas m'en empêcher. Tu ne peux pas, parce que toi, quand tu as voulu partir, je t'ai laissé ». Guinevere ne voyait pas cela comme un bon argument, mais soit. « Ce n'est pas pareil, Corey. A présent, ils savent qu'il y a des infiltrés, ils seront plus vigilants. Je m'en suis sortie parce que j'ai eu de la chance, rien de plus ! ». Il n'écoutait plus et Guinevere sentait bouillir une colère profonde au fond d'elle. Ses larmes s'étaient envolées, à présent qu'elle ne pensait plus qu'à cette stupide décision. « Tu te feras tuer pour ton idiotie », souffla-t-elle en regardant ailleurs. « Très bien ! J'irais quand même, et je reviendrai. Je le jure », répondit-il, dans une colère sourde. « PARFAIT ! », lui cria-t-elle, avant de se lever et de partir, claquant la porte en bois derrière elle. Là, loin de lui, elle se mit à pleurer, blessée et énervée. Les remords viendraient plus tard : toute sa vie, elle regrettera de ne pas être retournée dans cette pièce, de ne pas lui avoir dit au revoir.