« Je m’appelle Ariane. Ariane Marie-Melissandre du Plessis-Bellière. Sans doute ne me marierais-je jamais. Sans doute l’histoire m’oubliera-t-elle. Qu’importe. Ce sont-là des confessions que je ne puis livrer à personne si ce n’est ce parchemin. Le temps les dégradera et je mourrai en paix. »

« Je suis née dans une famille moldue. Une noble Maison au patrimoine conséquent. J’avais un nom et un avenir tout tracé. Jusqu’au jour où je me suis révélée sorcière. Je reste persuadée que père connaissait cet univers fantastique mais j’ignore encore aujourd’hui comment ou pourquoi cela aurait été le cas. Cette fleur qui a poussé pour la répartition s’est ouverte, magnifique rose rouge, et j’ai été l’enfant la plus heureuse du château. J’allais découvrir la magie, ces histoires fantastiques et apprendre un art fascinant. J’ignorais alors que ma fierté serait le pire des poisons. J’étais Marquise, j’étais riche, l’on me décrivait comme une beauté un brin exotique, à la peau de satin. Mais j’étais née-moldue, et s’il n’y avait qu’un idéal de paix au palais Beauxbâtons, le fait est que j’ai mal vécu cette façon que l’on avait de tous être logés à la même enseigne, de se mélanger ainsi, entre paysans et aristocrates. La vie m’a appris mon erreur. La vie m’a enseigné que je n’étais rien de plus ou de moins que les autres êtres humains peuplant cette planète. Il se peut que cela ait gommé les défauts des Roses que je possédais. »

« La guerre m’a tout pris. La guerre m’a arraché jusqu’à mes principes. J’étais une enfant d’aristocrates proprets pleine d’ambition, et j’ai vu ces gens souffrir, j’ai vu la haine dans les yeux des voyageurs du nord, j’ai vu la peur dans le coeur de mes camarades quand Beauxbâtons a sombré, par dessus tout j’ai vu la douleur du deuil dans toutes ces familles innocentes. J’étais Marquise et je devais faire un choix : le monde moldu ou les sorciers. J’ai cru juste de venir en aide aux plus nécessiteux, aux blessés, qu’importe leurs origines. Je n’avais plus ces préoccupations d’enfance de savoir quelle fut leur éducation. Ca n’avait plus d’importance. Je dirais simplement que cette période me poussa au-delà des limites imposées par le bon sens. J’ai tué. J’ai tué pour survivre. J’ai poignardé dans le dos, usant jusqu’à l’affront suprême d’un baiser sur les lèvres froides de ce traître qui fut autrefois mon ami, comme un ultime souvenir, une dernière provocation. Je me suis confessée pour cet acte bien plus tard. Pour toutes ces horreurs accomplies, aussi. Les morts furent nombreux et la Purge fut encore plus terrible. Aucun de nous n’était plus blanc comme neige après tout cela. Mon cousin reprit le domaine familial et je suis arrivée où j’en suis désormais, dans ce couvent où la parole divine baigne mes dernières années. Je suis malade, pas si âgée mais d’une faible constitution face au temps qui passe. 30 ans. Bien des femmes refont leur vie à ce stade. Je n’ai pas à me plaindre bien que je n’eus droit au bonheur d’élever des enfants, de donner de l’amour. Mon amour, je l’ai offert aux victimes ainsi que l’intégralité de mon héritage. Que Dieu me pardonne pour mes errances, mes doutes et mes décisions les plus hardies : je crois avoir fait de mon mieux pour venir en aide aux véritables héros de cette guerre, quand bien même il me fallut sacrifier une part de vertu.
J’ai survécu à cela, longtemps, ainsi puis-je mourir avec la conviction que les portes d’une sorte d’autre monde s’ouvriront après mon dernier souffle. »

« Echò ! » La peur enserre ton corps tout entier. Tu l’as vue passer par la fenêtre. Tu l’a vue subir cet appel d’air violent, incontrôlable, agressif. Echò, ta seule amie, ta camarade d’infortune. Coincée là depuis des semaines, tu supportes mal d’être privée de tes envolées sur ton balai. 12 ans et demi, têtue comme une mule, en besoin constant de sensations fortes, piégée dans cet hôpital. Castiel a été trop brutal, votre dernière dispute a mal tourné. Votre course aérienne a eu d’irréversibles conséquences. Tu as chuté, longtemps. C’est une branche d’arbre, à quelques mètres du sol, qui t’a sauvée la vie. Mais les côtes brisées, fragilisées, la jambe cassée, t’interdisaient désormais le vol comme l’espoir de faire un jour partie d’une équipe de Quidditch. Tu en veux au monde, tu lui en veux, à lui. Tu en veux à ta naissance. C’est ta jeune amie qui paye ta fureur. C’est l’innocente soupçonnée folle qui souffre ta violence. Tu n’accepteras plus qu’on te touche. Tu n’accepteras plus qu’on t’approche. Envers Sara tu deviendras agressive, contre ta propre volonté. Envers ta lignée toute entière tu tends à devenir hostile. Et tu te refermes comme une huître. La porte de tes douceurs ne se rouvrira qu’après ton apprentissage, celui de la maîtrise. Celui de l’élégance, de l’éducation. Tu es une Rosenthal, et que tu le veuilles ou non, tu épouseras ce qui gît dans ton sang.



« Affronte-moi ! » Tu grattes la porte, en pleurs. Tu as peur. Peur de ce néant qu’il jette sur toi, de ces sentiments atroces qui s’imprègnent de ton âme, de ta peau, de tes yeux abyssaux. C’est la terreur qui s’empare de ton coeur affolé. Tu viens d’avoir 13 ans. Tu as défié Sara, ta mère de substitution, mais tu ne défieras pas ton oncle, Eleazar. C’est un homme au charisme impressionnant, au don redoutable. Tu le crains autant que tu l’admire mais tu ne comprends pas son acte. Pourquoi te fait-il cela ? Tu n’es pas empathe, tu n’as pas à subir ces entraînements abominables qui sont le lot de leur enfance. « Laisse-moi… » supplies-tu en secouant la poignée de toutes tes forces mais déjà la brise s’infiltre dans la pièce. Tu fais de l’air une arme malgré toi, dans ces lieux mêmes où le vent n’a pas sa place. Tu déclenches des sortilèges instinctifs quand bien même tu ne possèdes aucune baguette Tu as peur, peur de ça, peur de toi. « Laisse-moi ! » C’est presque un cri de détresse auquel personne ne répond. Il ne te cèdera pas, tu l’as su dés l’instant où il t’a attrapée par le bras pour t’entraîner dans cette cave si redoutée. « Ne sois pas lâche ! » Tu te retournes et tu sens tes ongles griffer la peau de sa joue. Ton autre nature se déchaîne et tu déchires, tu réduis en lambeaux le costume délicat de ton oncle, tu mutiles le tissu comme si ta vie en dépendait, prise de cette folie destructrice contre laquelle tu ne veux plus lutter. Tu es un monstre et tu le lui prouve. Pourtant il se laisse faire. Il ne riposte pas, te caresse les cheveux avec une tendresses que tu ne lui connais pas. L’ombre de ton père peint les cicatrices de ton coeur. Tu lui en veux de t’avoir faite pour t’abandonner. Tu lui en veux d’avoir choisi une créature dégoûtante afin de te donner la vie. Et à genoux aux pieds d’Eleazar, tu supplies silencieusement le monde de t’achever. « Tomber est permis, se relever est ordonné. » Voilà l’enseignement que tu retiendras. Celui qui dicterait le cours de ton avenir tourmenté.


Rosenthal. Ca glisse sur la langue et roule dans le sillage de tes pas. La Rosenthal, coincée entre des mâles. Le feu entre deux blocs de glace. De rouge et d’or tu te pares, de leurs rires tu t’empares. Tu te fais reine des damnées, princesse d’obscurité. Tu n’as aucune pitié quand entre tes doigts meurent les coeurs des viles serpents argentés. On dit que tu as les colères des harpies, la grâce d’un cygne de jais et que tu sèmes l’inquiétudes comme les chats noirs la superstition. On dit que dans ton prénom coule l’Enfer et dans ton nom la folie. On dit que le vent épouse tes jupes légères, que le feu se reflète dans l’or et l’émeraude de tes prunelles. On dit aussi que tu n’es que l’ombre dangereuse d’un mythe trop réel. Tu es une reine de pique impitoyable qui ne souffre ni refus, ni ignorance. Pourtant tu n’es pas mauvaise, tu n’as rien de ces créatures hideuses qui peuples les contes de votre enfance, si ce n’est peut-être l’intransigeance, que tu dois avant tout à la richesse ; tu as le sourire sincère et le rire de miel, tu as l’oeil malicieux et la taquinerie naturelle, tu as le sarcasme au bord des lèvres et la volupté ancrée à ton aura nébuleuse. Ce ne sont pas les volontés de mariage que tu évoques mais les envies enflammées des hommes désireux de nouvelles contrées, de facilité, d’absence d’engagements surtout, d’exotisme quelque part. Tu es la brise nocturne qui souffle la bougie de la réalité, pour un temps, panthère sauvage qui ronronne en plantant dans leurs dos tes griffes possessives, des crocs acérés de plaisir et d’évasion. Tu es libre de toutes les entraves, libre de tout si ce n’est de toi-même. Tes actes sont guidés par cette peur irascible de l’abandon, cette angoisse absolue de te révéler similaire à une mère jamais connue, fantôme qui hante chaque recoins de tes longs silence auprès de la cheminée. Tu regardes la vie comme si tu n’y avais pas droit, tu goûtes aux excès pour oublier toute l’horreur de ta nature. Et tu frôles du bout des doigts tous les interdits.

« Arrête avec tes lettres, je ne suis pas en sucre. »

Ta main a tracé à la plume ces lettres courbes et assassines, les seules que tu consens à adresser à celle qui fit autrefois office de mère, avant que ta conscience ne comprenne que tu ne serais jamais l'idéale enfant tant désirée. Tu n'es finalement qu'un monstre qui se cache sous d'agréables dehors, car après tout, le Diable est toujours attrayant. 16 ans et déjà plus d’illusions. Tu te fais reflet d’un Castiel avec lequel tu ne cesses de te disputer, te chamailler. C’est votre façon de vous aimer. Et parfois, quand tu le détailles du coin de l’oeil au bras d’une énième donzelle, tu te surprends à envier son charme foudroyant, son sourire de tombeur, le givre de son regard de braise. 16 ans, l’âge des folies, des envies, des craintes aussi. Tu n’es pas rentrée à Noël, restant entre les murs sécurisants de l’école, comme tant d’autres n’ayant ni famille ni réel foyer. Toi, tu reniais ta lignée, tu arrachais à coups de dents le nom collé à ta peau de satin.



« Hell, ramène-toi ! » Le petit groupe est installé dans le parc, autour des bancs. De rouge et d’or tu t’habilles toujours, de sourire mutins tu te maquilles, des apparences tu te déguises. « Attrape ! » L’objet file dans l’air et tu le réceptionnes sans mal. La petite balle d’or serait presque convaincante mais son poids la trahit. Amusée, tu souris. « Vous voulez encore faire un coup tordu aux vipères ? » Tu te fiches pas mal que ce soit la maison de ton cousin, tu n’aimes pas les verts et argent, leur hypocrisie latente. Le Choixpeau avait frôlé le choix fatidique, tu avais l’ambition et la fierté mordante d’une créature de sang froid mais ton mépris des règles, ton orgueil peut-être, t’avait fait glisser parmi les lions impudents, les rebelles à leurs heures. C’est contre la terre entière que tu te révoltes, défiant de longs regards impériaux quiconque tenterait de blesser ce coeur noir battant dans ta ronde poitrine. Tu as l’audace de défier jusqu’à certains professeurs. Rosenthal, ça roule toujours dans tes veines, tu n’y peux rien, tu as ce qu’ils ont de pire. Tu as cette grâce insolante, cette aura angoissante, tu as de tes ancêtres sorciers les fléaux de la fierté et de tes ancêtres harpies le caractère flambant et la volonté dominatrice. Nul ne fait plier la sauvage créature, nul ne dresse l’obscure panthère sans prendre quelques coups de crocs à la volée. « A refaire. » Tu lances en retour la mauvaise imitation de vif d’or, tes cheveux ondulant au gré de la brise naissante qui apaise tes angoisses les plus féroces. « Castiel est trop malin pour ne pas le voir, il le dirait à toute son équipe. Ce serait stupide d’être disqualifiés pour si peu. » Et sans plus de cérémonie tu tournes les talons, poursuivant ta route jusqu’au bord du lac où tu viens chercher le calme, la paix, le contrôle surtout. Tes instincts frustrés désirent se déchaîner, tu as appris que tu devais être un monstre dont ton père pourrait être fier, et sa mémoire sur tes larmes amères flotte encore.

Ses doigts sur tes épaules se promènent. Tu ne sais pas les différencier. Temps qu’il ne parlera pas, tu ignoreras son identité. Blond, brun, roux, t’en sais rien, dans tes extases il y fait trop noir. Près de ton oreille il vient déposer son souffle. Dans tes errances il trouve le sentier des plaisirs, comme d’autres, dont les visages t’importent peu, dont tu n’espères rien, qu’un peu de distraction à peine. Juste l’ombre de l’oubli. « Serais-tu mélancolique, Hell ? » « Jamais. » rétorques-tu du tac au tac. Tu es la gryffondor impétueuse, le volcan déversant sa lave sur les obstacles, la généreuse amie au caractère de feu qui, si elle ne semble jamais vraiment prête à écouter, donnerait sa vie pour en sauver une autre. Tu dors sur les roses fanées de ton sang mêlé, de cette haine que tu te portes et que tu perds dans les bras d’inconnus qui, pour quelques heures, te font te sentir humaine et belle.


Tu ris. Tu sais si bien rire même quand tu n’en as pas envie. Dans le fond, tes camarades t’apprécient. Ton caractère flambant ne leur déplait pas tant que ça, et tu n’es bizarrement pas trop rancunière. Tu as appris le pardon de cette jeune femme dont le souvenir te suit depuis longtemps. Elle était une image de perfection quand toi tu n’es qu’une mauvaise fille de bonne famille. Tu écris pour décompresser, tu couches tes peurs sur le papier, tu soigne tes maux par les mots, tu glisses sur le papier tes rébellions secrètes. Avec la tablée tu es tantôt séductrice tantôt amusante, tantôt taquine tantôt sarcastique. Tu n’es pas foncièrement méchante, simplement paradoxale. Tu sais que ton oeil doré et la noirceur presque sensuelle qui t’entoure les poussent à te craindre un peu, mais à Poudlard tu es chez toi. A Poudlard, tu es l’exception des Rosenthal, tu es la fille entre les iceberg, tu es la poupée de miel que la brise caresse. Tu es libre dans ta prison. Finalement, tu n’es qu’un gouffre aléatoire. Et c’est au Chouette Hibou que ta plume livre les secrets, les vices cachés. Alors, Enfer ou Paradis ? Peut-être les deux, mais pour le Paradis, seulement celui des sens. Tu es le cygne noir des rouges & or.