Aleksander n'avait pas voulu le croire quand on lui avait annoncé que sa jeune soeur, Sofia, avait trahi sa famille et son camp pour partir avec Gabriel Peverell. C'était inconcevable pour lui. Sa soeur n'aurait jamais pu partir sans lui dire au revoir. Plus simplement, elle n'aurait jamais pu le trahir. On avait du confondre. C'était la meilleure explication possible. Rentrant tout juste d'un raid qu'il avait organisé non loin de là, il désirait plus que tout voir sa soeur dès son retour, aux côtés de leur mère. Il voulait s'assurer que c'était faux. Il avait peur, peur de la perdre si cela se révélait être vrai. Comment pourrait-il espérer continuer à l'aimer et à vouloir la voir si elle n'était autre qu'une traîtresse ? Jamais leur mère ne le permettrait. Au fond, il ne lui pardonnerait peut-être pas non plus. Une fois arrivé, les regards ne le trompèrent pas. Les mines étaient défaites, le silence était accablant. Personne n'osait affirmer l'atroce rumeur. Aucun des sorciers ici présents ne s’avançait vers lui pour confirmer ou non la nouvelle. Comment le pourraient-ils ? Marchant d'un pas déterminé, avec le coeur lourd, le regard empli de rancœur et de fureur que lui lança sa mère ne jeta pas l'ombre d'un doute. Il se figea au pas de la porte tandis qu'il sentait tout chavirer en lui. Prenant appui sur la chambranle de la porte, il laissa quelques larmes couler sur ses joues tandis que sa mère faisait les cent pas dans la pièce. Il n'arrivait pas à réaliser ce qui se passait sous ses yeux. La veille, sa soeur était bien là, devant lui, à rire et à lui parler. Comment pouvait-elle être partie ? Aleksander n'arrivait tout simplement pas à l'accepter. Il fallait la faire revenir, immédiatement. Ignorant sa mère, il commença à faire demi-tour quand sa voix s'éleva, grondante comme le tonnerre. « Il est inutile de vouloir aller la chercher, Aleksander. Elle nous a trahit. Elle est partie avec ce Peverell. »  Il le savait pertinemment. Pourtant, rester à rien faire était impossible pour Aleksander. Il avait besoin de marcher, de faire quelque chose. Il devait chercher sa soeur et c'est ainsi qu'il quitta la pièce dans un regard pour sa mère. Inconsciemment, ses pas le menèrent directement à la chambre qu'occupait sa Sofia. Incapable d'y entrer, il appuya son front contre la porte, se laissant aller. Il avait véritablement le coeur brisé. Jamais il n'avait été si vulnérable, trahi. Il détestait cela et n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle avait agi ainsi après tout ce qu'ils avaient vécu. N'était-il pas son frère ? Ne partageaient-ils pas jusque là une relation fusionnelle et aimante ? Frappant de son poing le mur, il sentit une main prendre la sienne avant qu'elle n'atteigne une cinquième fois son but. Il n'avait pas besoin de regarder pour savoir qu'il s'agissait de Lukeria. Son amie devait être au courant maintenant. Posant son regard empli de larmes sur elle, Aleksander la laissa le prendre dans ses bras. A ce moment, il n'était qu'un enfant blessé et abandonné. Il n'était absolument pas l'homme de fer que tout le monde connaissait. Sa petite soeur qu'il chérissait tant jusqu'à présent l'avait laissé sans une once de regret. L'une des personnes qui comptait le plus à ses yeux venait de balayer d'un geste toute une vie. Lui. Or personne ne pouvait agir ainsi, surtout pas avec lui. Au fond, sa trahison avait brisé quelque chose en Aleksander. Toute l'innocence qu'il avait pu conserver jusqu'à aujourd'hui venait de disparaître. Sa mère l'avait toujours mis en garde pourtant. Depuis qu'il avait vu le monde, Freya Romanov ne cessait de répéter qu'aimer, c'était être faible. Qu'à la moindre occasion, la trahison serait préférable au sacrifice. Il la croyait désormais. Il savait qu'elle avait raison. Il se dégagea de l'emprise de son amie avec politesse et la remercia avant de passer sa main sur son visage afin d'y ôter toute trace d'émotion. Plus jamais. Plus jamais il ne serait déçu et meurtri de cette manière. Faisant de son mieux pour rassurer Lukeria, Aleksander lui assura que tout allait bien. Il mentait. Il était las et décidé à ne plus rien ressentir. Abandonnant son amie au détour d'un couloir, il alla dans sa chambre et prit place sur son lit. Plongeant son regard dans le brasier de la cheminée meublant ses appartements, il sentit une partie de lui changer, indéniablement. Ses traits et son regard se durcirent tandis qu'il laissa de côté tous les souvenirs heureux, toute émotion.

Aleksander avait beau être froid, insensible et cruel, il n'en restait pas moins humain et la défection de sa soeur au profit de l'ennemi l'avait profondément blessé. Il avait perdu l'une des rares personnes encore capable de voir le bon en lui et de le faire sourire et rire. Suite à sa trahison, n'était resté qu'une âme amère et un vide immense. Indifférent aux sarcasmes et aux commentaires acerbes de sa mère, il s'était concentré dans le combat et avait fait coulé plus de sang que jamais. Il en voulait au monde entier. Alors quand on lui annonça que Briséis Pereydragon avait été capturée et amenée dans ses appartements, il avait trouvé là une raison de se changer les idées et de trouver une sorte de répit à ses pensées noires. Il ne s'était jamais retrouvé confronté à une telle figure de légende dans la guerre qui se déroulait et à laquelle il prenait part, cependant il fit abstraction de sa curiosité et de sa surprise en la découvrant pour la première fois. Elle différait tellement de toutes les femmes qu'il avait pu connaître jusqu'à présent qu'il fut fortement intrigué. Mais bien plus que cela, il y avait quelque chose qui remuait en lui. Une sorte de pincement au coeur qui lui rappelait qu'il en avait un. Une sorte d'étincelle tout aussi douloureuse que surprenante. Une première dans la vie d'Aleksander qui avait toujours le contrôle, aussi bien sur sa vie que sur son corps et il détestait cette sensation. C'était révoltant après tout, comme l'attitude de la française. Jamais personne n'avait osé se rebeller et refuser d'obtempérer quand il donnait des ordres. Briséis était bien la première à lui résister, à lui, l'homme de fer. Si il la maudissait pour cela, il la respectait aussi pour rester fidèle à elle-même. Au fond, il découvrait quelque chose de nouveau. Les femmes, il pouvait en avoir autant qu'il le souhaitait, ce n'était pas le problème. Il en avait connu dans sa vie et aucune ne l'avait vraiment marqué. Mais elle, c'était différent. Avec elle, il pouvait parler et se confronter à son avis, encore plus après avoir décidé de la faire rester dans ses appartements. Il était quasiment en permanence avec elle, et quand il déambulait ailleurs, il ne pouvait s'empêcher de désirer être à ses côtés. Une folie furieuse qui l'a gagné au fil des mois, entre disputes et baisers ardents. Une passion dévorante telle qu'il n'en avait jamais connu dans sa vie. Le véritable amour à ses yeux. Elle n'est plus l'ennemi mais la femme de sa vie. Inlassablement, il s'endort chaque nuit à ses côtés après avoir laissé son amour pour elle s'exprimer. Aucun mot n'est nécessaire. Le changement est pourtant perceptible du côté d'Aleksander. L'homme de fer laisse place à l'homme en présence de Briséis. D'une certaine manière, elle a effacé l'amertume et la lassitude qui rongeaient l'âme du sorcier. La trahison de Sofia est toujours une plaie béante mais elle le fait moins souffrir. Il se surprend même à faire des projets avec Briséis. Un monde dans lequel la guerre serait terminée et où ils pourraient vivre ensemble.

« Est-ce vrai ce qu'on raconte, mon fils ? » Levant les yeux vers sa mère, Aleksander resta un moment silencieux tout en l'observant d'un air absent. Il était rare que Freya Romanov se montre aux repas, encore plus qu'elle lui adresse la parole. Quand elle le faisait, ce n'était que pour lui reprocher la trahison de sa soeur ou encore lui lancer des remarques acerbes. Cette soudaine attention le rendait suspicieux et prudent. Il ne savait pas vraiment à quoi elle faisait allusion mais ne comptait pas non plus lui répondre de façon explicite. « Et que raconte-t-on mère ? » se contenta-t-il de dire, d'une voix blanche. Aleksander ne raffolait pas des moments passés en compagnie de sa mère, surtout quand son coeur et son esprit étaient avec Briséis dans ses appartements. Mais paraître pressé en présence de sa mère était une très mauvaise idée puisqu'elle aurait tout de suite deviné qu'il se passait quelque chose. Parfaitement stoïque, il plongea son regard dans son assiette et continua à découper un morceau de viande tandis que sa mère le jaugeait du regard. « Et bien il se murmure que la pauvre Briséis Pereydragon souffrirait mille morts à cause de vous. » souffla-t-elle, évitant d'explorer des détails saugrenus des rumeurs circulant un peu partout désormais. Prenant son temps, Aleksander n'esquissa ni sourire, ni grimace. Il avait volontairement laissé des racontars inventer des histoires dignes de l'homme de fer qu'il se devait d'être aux yeux des siens. Ainsi, il faisait endurer de très vilaines choses à sa prisonnière, créant une nouvelle fois la peur, le respect et toutes sortes de sentiments. La réalité était toute autre puisqu'il projetait d'épouser en secret Briséis, mais il se gardait bien de le dire. Levant une nouvelle fois les yeux vers sa mère, Aleksander prit une expression amusée et victorieuse. Une expression typique de l'homme de fer. « La réalité n'est pas si éloignée. » répliqua-t-il. Aleksander vit sans surprise sa mère se détendre de façon quasiment imperceptible. Il ne pouvait se vanter de se jouer de sa mère, sachant qu'à la moindre occasion, elle pourrait le tuer si elle venait à apprendre ce qu'il faisait de son temps. Sofia avait déjà constitué une sorte de grande déception pour Freya Romanov. Elle était néanmoins fière de pouvoir constater que le soldat qu'elle avait formaté dès sa naissance restait à ses côtés. Une simple illusion puisqu'il appartenait corps et âme à Briséis. Il avait cependant l'espoir que tout cela finirait bien. Une hérésie en temps de guerre. Comme tous les soirs, Aleksander quitta la table et alla s'abandonner dans les bras de celle qu'il désirait si ardemment. Celle qu'il allait épouser d'une façon ou d'une autre.

Aleksander avait toujours été persuadé qu'un homme ne pouvait connaître un intense bonheur avant de connaître le pire malheur. C'était tout simplement trop cruel pour exister. Et pourtant, le lendemain de son mariage secret avec Briséis, on était venu le déranger afin de lui annoncer l'attaque imminente des anglais. La guerre était alors à ce moment précis le cadet de ses soucis. Il venait de faire de Briséis son épouse et de lui promettre de l'aimer et de la protéger jusqu'à la mort. Penser à une stratégie de défense était impossible pour Aleksander. L'homme de fer n'était plus, remplacé par un homme aimant, désirant vivre une vie paisible auprès de sa femme. Pourtant il le fallait. Pour elle, il se devait de protéger Durmstrang. Renoncer aurait été comme se livrer aux ennemis. A contrecœur, il s'habilla à la va-vite avant de congédier le soldat qui était venu le prévenir. Il avait un mauvais pressentiment. Quelque chose en lui lui disait que cela n'allait pas finir comme il l'aurait voulu. Plus que tout, si il devait se battre, il fallait que Briséis parte. Si elle était loin et vivante, il pourrait alors se concentrer sur le combat. Trouvant sa femme dans la chambre, son expression suffit à alerter cette dernière qui passa à son tour des habits de circonstance. Aleksander avait le coeur brisé. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'après une si belle journée, le pire pouvait arriver. Posant son regard bleu sur Briséis, il n'arrivait pas à se résoudre de lui dire de partir, mais une fois encore, il le devait. « Briséis, il faut que tu t'échappes. Je ne pourrai pas me battre si je te sais entre ces murs. » souffla-t-il simplement, la voix brisée. Il ne voulait pas qu'elle s'en aille mais il n'avait pas le choix. Il ne pouvait se permettre de la laisser rester. De plus, si il tombait, il n'y aurait personne pour la protéger des autres et de sa mère. Elle serait vulnérable et c'était tout ce qu'il voulait éviter. « Je ne partirai pas sans toi, jamais. Ne sommes-nous pas époux maintenant ? » Fronçant légèrement les sourcils, Aleksander s'approcha doucement de sa femme, le coeur serré. La faire partir n'allait pas être chose facile mais elle devait l'écouter. Pour eux, elle devait se sauver. Les explosions et les cris se rapprochaient déjà à mesure que le temps s'écoulait. Bientôt, Durmstrang sera totalement en prise avec l'ennemi. Des anglais s'introduiront partout dans le seul but de tuer et de gagner. Briséis ne pouvait décemment pas être là quand ils arriveront. Prenant le visage de cette dernière entre ses mains, Aleksander fit alors la seule chose qui lui semblait raisonnable. La seule chose qu'il pouvait faire pour convaincre la jeune femme. La promesse de la rejoindre tout en ayant l'espoir de le pouvoir. Embrassant ses lèvres avec ferveur et appréhension, il resta un moment paralysé après l'avoir vu s'éclipser à travers un passage secret. Las, il ne chercha même pas à s'emparer de son épée tandis que des bruits de pas s'approchaient. Il ne pensait qu'à elle. Immobile devant la fenêtre, il n'attendait que la vision de Briséis s'envolant sur son dragon. Cependant alors qu'il observait le ciel, il sentit une lame aussi froide que la nuit s'enfoncer dans son coeur. Mais Aleksander Romanov s'en moquait. L'homme de fer accorda à peine un regard à son meurtrier, bien trop inquiet pour Briséis. Tombant sur ses genoux, faisant claquer son armure contre le sol, il se sentit dériver lentement tandis que la silhouette d'un dragon prenait son envol. Briséis était sauve. C'était tout ce qui comptait. Peu à peu, l'obscurité l'engloutissait alors que des images incongrues se succédaient. Le visage de son meurtrier étiré par un sourire victorieux, lui et Sofia, Briséis. Puis plus rien.

On raconta beaucoup de choses sur Aleksander Romanov. Comment Ezechiel Morgenstern avait pénétré l'enceinte de Durmstrang et tué l'homme de fer. Aussi facilement que cela. Son corps avait été montré à ceux qui ne voulaient pas le croire. C'était impensable après tout. L'homme de fer était réputé pour exceller dans les duels. Être tué à l'aide d'une simple lame était une chose absurde que beaucoup eurent du mal à croire. Le corps sans vie fut entreposé dans sa chambre. Personne n'osait y toucher. Personne ne savait quoi en faire. La nouvelle traversa rapidement le monde de parts et d'autres jusqu'à atteindre Freya Romanov qui accueillit l'information avec silence et réflexion. Les pions s'écroulaient un à un à ses yeux. Elle n'avait pas perdu un fils mais bien un soldat.  Peu pleurèrent sa mort. Bien sûr, il y eut sa soeur Sofia et Lukeria, son amie. Ce que personne ne savait, c'était que sa mort tragique avait aussi entraîné une tristesse incommensurable pour Briséis Pereydragon, la seule femme qu'il avait jamais aimé. Il avait rompu sa promesse et n'était jamais allé la retrouver à leur lieu de rendez-vous. Non, il était mort en ne pensant qu'à elle, en fuite de Durmstrang. Aujourd'hui encore, personne n'est au courant de cette romance qui est morte en même temps qu'eux. L'histoire ne raconte pas la fin de leur si belle histoire d'amour, ni la naissance de leur fils dans des circonstances désastreuses. On raconte juste que les corps d'Aleksander Romanov et de Briséis Pereydragon ont disparu après la guerre. En vérité, ils reposant tous deux dans une tombe marquée d'un "Libres et amoureux, enfin."

« Noah .. » Relevant la tête difficilement, le jeune homme plongea son regard indifférent dans celui de sa mère qui avait osé entrer dans sa chambre et qui se tenait agenouillée près de lui. Assis sur une paillasse, il venait une nouvelle fois de subir la colère de son père. Les nombreux bleus et les blessures qu'il avait récolté le faisaient encore souffrir mais il ne s'en plaignait pas. A ses yeux, être le bouc émissaire pour éviter à sa famille de se faire brutaliser par le patriarche alcoolique et violent valait tout l'or du monde. Grimaçant légèrement en sentant un bleu sur sa mâchoire se rappeler à lui, le blond fronça légèrement les sourcils en voyant sa mère trembler. C'était une vision familière mais là c'était différent. D'ordinaire, elle n'osait pas lever le regard et restait sombre. Là, elle semblait fière et heureuse. Une nouveauté puisqu'il ne l'avait jamais vu sourire auparavant. Inquiet, le garçon se rapprocha d'elle. « Qu'est ce qui se passe ? » articula-t-il avec mal. Sa plus grande crainte était qu'on s'en prenne à sa famille et en l’occurrence, il avait peur que son père s'en prenne à eux. Il aimait sa mère et ses frères et soeurs, bien qu'une relation particulière se soit installée entre eux .. Il était prêt à tout pour eux. Si il fallait qu'il aille trouver son père pour qu'il se défoule à nouveau sur lui au lieu de sa mère, il le ferait sans sourciller. Devant l'affolement de son fils, Madame Oswald leva doucement sa main, comme pour caresser le visage meurtri de son fils, mais elle se ravisa devant le recul de Noah. Il n'avait jamais connu d'autres contacts que celui de la main violente de son père. Cette situation était toute aussi inédite qu'elle était terrifiante pour lui. « J'ai .. J'ai mis dehors ton père en lui ordonnant de ne plus mettre les pieds ici. » Si la lettre qu'il avait reçu de Poudlard plaçait la barre très haut dans le registre des faits impossibles, entendre sa propre mère lui annoncer qu'elle avait mis son père dehors dépassait vraiment tous ses rêves et toutes ses espérances. C'était presque impossible qu'elle l'ai fait. Soucieux, il se demanda si il n'était pas en plein rêve. C'était fréquent chez lui de s'endormir après avoir sangloté durant une bonne partie de la nuit, exténué. Pourtant, cela semblait bien réel puisque sa mère était bien là, près de lui. Fronçant légèrement les sourcils, Noah eut de la peine à le croire. Vraiment. Il fallut qu'il aille vérifier lui-même avec appréhension que la présence de son bourreau avait disparu pour essayer de l'envisager. Surtout, il se demandait pourquoi maintenant. Malgré lui, il en voulait à sa mère d'être restée des années sans rien faire tandis qu'il prenait coup sur coup. Il l'avait décidé afin d'épargner le reste de la famille et trouvait ce sacrifice juste et noble, pourtant, il en voulait tout de même au monde entier. C'était inédit. Noah avait toujours pensé qu'il resterait ainsi encore durant des années et des années. Apprendre que sa mère avait mis dehors le père abusif qu'il était était inconcevable. Il n'arrivait pas à y croire. « Mais enfin pourquoi ? Pourquoi maintenant ? » finit-il par dire au bout de longues minutes, un peu amer. Sa mère n'était pas naïve au point de ne pas le sentir. Elle avait laissé son fils se faire ruer de coups sans rien faire et dire. Il était normal que Noah se demande les raisons de ses agissements. Suivant du regard ses gestes, il fut surpris de la voir sortir une lettre froissée d'un placard moisi. Haussant les sourcils en devinant le symbole imprimé dessus, il interrogea sa mère du regard. Cette missive avait surpris tout le monde, à commencer par Noah qui était souvent trop sonné après avoir été tabassé pour réaliser certains faits étranges. Ne comprenant pas ce que cela avait changé chez sa mère, il écarquilla les yeux de stupeur en entendant ses explications. « Je n'ai pas d'excuses pour être restée stoïque durant ces années mais .. te voir renoncer à cette école et à cette nouvelle vie pour nous, cela m'a rendu folle. » Silencieux, le jeune homme se surpris à sentir une vague d'espoir l'envahir. Il n'avait jamais osé imaginer aller là-bas, à Poudlard. Mais sa mère rendait cela possible en ayant exigé de son mari qu'il parte. Comme si le poids de toutes ces années lui était enlevé, il se jeta dans les bras de sa mère, les larmes aux yeux.

« Sloan, tu viens au parc avec nous ou tu préfères rester là en si charmante compagnie ? » le héla un ami. Relevant la tête, il répondit en entourant les épaules d'une énième fille superficielle assise à ses côtés. Le sourire aux lèvres, c'est las qu'il vit une partie de la bande quitter la grande salle. Son entrée à Poudlard avait changé beaucoup de choses, bien plus qu'il ne l'avait espéré. Il avait laissé Noah dans son quartier pauvre et malfamé pour devenir Sloan, l'élève de Gryffondor aimé et adulé de tous. Un jeune homme beau, sportif et populaire à des lieues de celui qu'il était auparavant. Si physiquement, il n'avait gardé aucune séquelle de son enfance passée à être battu, il avait en revanche des blessures à l'âme et au coeur qui l'habiteront jusqu'à la fin. Il s'était fait rapidement un certain nombre d'amis, plus ou moins proches. Il n'était pas naïf au point de penser que tous ceux qui l'entouraient n'étaient là que pour profiter de son influence et de sa popularité. Et les rares vrais amis en qui il avait confiance n'étaient pas aussi nombreux qu'ils semblaient l'être. Personne n'était au courant de son passé, mis à part Dylan avec qui il avait pratiquement grandi. Elle seule savait par quoi il était passé. Fixant la table de Poufsouffle en pensant à elle, il revint à la réalité quand une de ses comparses dont il ne connaissait pas le nom se mit à cracher son venin sur une autre qu'elle. « N'est ce pas la petite Echo que je vois ? Quelle imbécile celle là .. » critiqua-t-elle. Adoptant un sourire de circonstance, il posa néanmoins son regard sur la Poufsouffle qui venait de faire son entrée avec deux gros bouquins qui occupaient tout l'espace de ses bras. Sans qu'il ne l'explique, cette fille l'obsédait. Depuis leur première rencontre, elle réveillait certaines choses en lui qu'il n'avait jamais connu. Parfois, il se demandait même comment cela aurait-il pu finir si il n'avait pas été intégré au petit groupe populaire de Poudlard. Il la traitait si mal quand il était en présence des autres qu'il se demandait comment elle faisait pour continuer à lui sourire ou encore à lui parler quand ils se retrouvaient miraculeusement seuls tous les deux. Cela lui crevait le coeur de devoir être si méchant avec elle, cependant il ne pouvait renoncer à son statut. Les blessures du passé étaient encore bien trop présentes pour qu'il se permette de vivre à nouveau les brimades, les regards moqueurs et les insultes. Il aimait bien trop sa vie actuelle. Pourtant, il continuait sans cesse à penser à elle et à s'inquiéter. Quand on s'approchait trop d'elle, il trouvait n'importe quel prétexte pour éloigner son Echo des autres. Elle était à lui. Son instinct le poussait à la désirer et à vouloir la posséder. Oui, Echo était à nul autre qu'à lui, bien que cela soit aussi incongru qu'étrange. Il ne l'expliquait pas mais elle seule savait comment le toucher. Elle seule l'appelait par son vrai prénom : Noah. Posant son regard ailleurs que sur la jeune femme en question, Sloan resta muet aux moqueries principalement féminines du groupe assis à la table de Gryffondor. Echo était devenue la cible favorite de tout Poudlard, malgré elle. Sentant son sourire s'effacer en voyant trois filles se lever des bancs pour aller l'embêter, il fronça les sourcils en la voyant quitter les lieux, trempée de jus de citrouille. Le coeur lourd, il patienta de longues minutes avant de prétexter aller retrouver l'autre partie du groupe au parc. Espérant que personne ne l'accompagne, il fit de son mieux pour éviter de se faire remarquer et gagna les toilettes des filles. Devinant que peu de filles venaient ici, il posa son regard soucieux sur Echo qui faisait de son mieux pour se débarrasser du liquide qui collait ses cheveux et ses vêtements. Approchant silencieusement, Sloan attrapa une serviette qui traînait par là, l'humidifia et commença timidement à la passer sur ses cheveux bruns. Il se sentait mal et osait à peine la regarder. Au bout d'un certain temps, une fois qu'Echo fut un minimum nettoyée, il se recula et baissa les yeux sur le sol humide. Il était lâche, lâche de ne pas oser être ami avec elle et de la défendre. Emory avait raison de lui reprocher son attitude envers elle qui lui était si chère. « Je suis désolé Echo .. » murmura-t-il, réalisant à quel point il devait être pitoyable. S'excuser ne suffirait pas à effacer tout le mal qu'il lui avait fait et qu'il continuait à lui faire. Tournant les talons à cette pensée, il quitta la pièce en se haïssant. Il ne savait pas ce qui le poussait à vouloir la protéger et à tenir autant à elle.