La plainte, longue et agonisante, qui semblait chercher désespérément une oreille miséricordieuse, sembla résonner dans chaque pièce, insufflant un souffle glacial à l'ambiance déjà bien terne de la demeure. Des corbeaux, au loin, s'envolèrent en croassant sombrement à l'entente de ce cor mortuaire, tandis que le petit jour prenait difficilement la place de sa soeur ténébreuse, comme si les éléments ressentaient également la terreur qui régnait dans les alentours, et avaient peur d'éveiller la colère des démons. Mais les démons ne dorment jamais, n'est-ce pas ? Ne dit-on pas que c'est le plaisir de voir la souffrance et le désespoir de leurs victimes qui leur permet de rester en vie ? Rumeurs, peut-être, simples rumeurs, mais celles-ci paraissaient bien vrais pour ce jeune sorcier à la tête blonde, pas plus de vingt ans probablement, qui était pieds et mains attachés sur une chaise en bois, suffoquant et vomissant des effluves de sang, les larmes, la bave et la morve se mélangeant sur son visage qui avait dû, à une époque, être plutôt agréable à regarder, mais qui avait aujourd'hui perdu presque toute forme de trait humain. Et Igor Hristov se délectait doucement du spectacle. Peu de choses le rendait plus heureux que ce pouvoir de vie et de mort qu'il détenait sur les autres, cette frayeur qu'il pouvait lire dans leur yeux, ces supplications rébarbatives pour lui implorer sa clémence. Pourtant, ce sorcier, espion de Poudlard qu'il avait réussi à démasquer, commençait fortement à l'ennuyer. S'il y a bien quelque chose qu'il apprécie dans la torture, c'est de voir la faiblesse de l'être humain face à la peur et à la douleur, de voir avec quelle rapidité il est capable d'oublier toute allégeance et loyauté lorsqu'on réussit à toucher un point un peu plus sensible que le reste. Pourtant, il avait énormément de mal à faire sortir quoi que ce soit de sa nouvelle victime, mis à part les cris, les insultes, les mensonges et les pleurs, il n'avait pas une seule fois réussi à avoir un seul aveu de censé de sa part. Même s'il prenait bien soin de ne pas le montrer, la situation commençait sensiblement à l'ennuyer, Igor n'avait jamais été du genre à apprécier qu'on lui résiste bien longtemps et sa patience, qui avait déjà été bien plus clémente qu'à l'habitude, commençait fortement à vaciller, se faisant progressivement déloger par l'appétit cruel de la faucheuse qui régnait chez notre cher Bulgare. Après tout, ce n'était probablement qu'une simple recrue envoyé en mission d'espionnage pour éviter de perdre des membres plus importants, il ne devait, probablement, avoir que très peu d'informations sur les actions de la résistance. Il s'assit, un verre de vodka à la main et pesa le pour et le contre tout en observant sa victime alterner des phases épileptiques puis tomber dans une sorte de semi-coma. Il n'en avait de toute façon probablement plus pour très longtemps, sa réflexion s'orienta ainsi sur la meilleure façon de l'éliminer pour clôturer cela en beauté lorsqu'un garde, pensant probablement qu'il avait tous les droits dans cette demeure entra vivement dans la pièce. « Commandant Hristov, une lettre de l'impératrice est arrivée. » L'aisance du garçon à prendre la parole sans même qu'on daigne lui offrir se traduisait du fait qu'il voyait probablement en lui de grandes responsabilités en tant qu'émissaire de l'Impératrice. Igor ne releva pas l'affront qu'il venait de commettre, se contentant simplement de répondre sans lâcher des yeux sa victime dont l'état paraissait se stabiliser. « Qu'est-ce que c'est ? » L'émissaire gonfla le torse, fière de la nouvelle qu'il avait à annoncer. « Un Raid sur Pré-au-lard est lancé, vous êtes convié à en prendre la tête. »  Le sorcier ferma les yeux, examinant avec attention la nouvelle qui venait de lui être faite, mais n’étant pas spécialement homme à la réflexion, cela ne dura qu’un instant. D’une traite il finit le verre qu’il avait dans les mains, effaça totalement de son esprit le sort qu’il avait prévu pour son prisonnier et se dirigeant vers la porte de sortie, il s’arrêta au niveau du sorcier envoyé par l’Impératrice et lui administra son sourire le plus chaleureux, auquel l’individu répondu avec un plaisir innocent et des yeux éclatant. Il n’eut pas même le temps d’effacer ce sourire de son visage que le rayon vert émeraude l’avait déjà atteint.