Un rayon de lumière aveugla le jeune homme, le faisant cligner des yeux alors qu'il tournait au bout de la rue. Il vit alors en face de lui le superbe magasin de baguettes magiques tenu par le sorcier Hemingway ; le plus grand fabricant du monde sorcier. Sans qu'il ne puisse s'en empêcher, comme si le lieu opérait sur lui une attraction inopposable, ses jambes se mirent en mouvement pour l'arrêter juste devant la vitrine. Les carreaux étaient épais et quelque peu poussiéreux, mais la majesté des baguettes posées sur des écrins à l'intérieur n'en était point amoindrie. Le son d'une clochette se fit entendre, indiquant que la porte d'entrée venait de s'ouvrir.
- « Et bien mon garçon, que fais-tu là, entres-donc, ce n'est pas en restant planté là que ta baguette va te choisir ! »
Un homme bourru à la longue barbe blanche et à l'air amical se tenait dans l'encadrement de la porte, s'adressant au jeune homme, et attendant visiblement que ce dernier ne suive ses conseils, ou au moins, ne lui réponde.
- « C'est que, je ne suis pas là pour acheter une baguette Monsieur. »
L'homme haussa un sourcil d'incompréhension.
- « Pas là pour acheter une baguette ? Que veux-tu dire ? Pourquoi serais-tu en train de regarder ma devanture si tu n'étais pas là pour ça ? Vu ton âge, tu as sûrement dû casser ta baguette et maintenant il t'en faut une autre, n'est-ce-pas ? Aah sale gredin. Les sorciers de ton âge ne savent pas utiliser leur baguette avec assez de respect. Sinon elles ne casseraient pas ! »
Le grand chatain avait l'air de plus en plus mal à l'aise, son regard ne cessait de se porter à droite puis à gauche, comme s'il cherchait un échappatoire. Il sembla enfin se décider à répondre :
- « Non non, je n'ai pas besoin d'une baguette, je vous remercie. »
Une lueur de compréhension passa alors dans le regard de Allistair Hemingway, et il ne put s'empêcher de dire :
- « Oh pardon mon garçon, je n'avais pas compris que tu étais cracmol. »
Il n'en fallut pas plus pour que le rouge lui monte aux joues. Il eu soudain l'impression que tout le monde autour d'eux avaient désormais les yeux fixés sur lui, et il entendit d'ailleurs une voix féminine dire derrière lui :
- « Eh, c'est le cracmol Hendricks ! Je l'ai vu de loin une fois alors que j'étais invitée dans leur demeure. Pauvre famille Hendricks, devoir supporter d'avoir cette abomination chez eux ! »
Merlin se retourna vivement, ne croisant pas le regard de la jeune fille qui venait de prononcer ces mots. Des passants s'étaient arrêtés, certains chuchotaient entre eux, d'autres riaient. Une mère cacha même les yeux de ses enfants de sa main tout en les retournant pour les emmener avec hâte loin de Merlin Hendricks ; cette sous-créature de cracmol qu'il était.
Merlin s'empressa alors de retourner par où il était arrivé. Il devait quitter le village sorcier. Il n'avait désormais plus qu'une envie : rentrer chez lui.
- « Ouais, rentre chez toi ! Et ne reviens plus à Hillbrook surtout ! On est un village sorcier ici, les cracmols n'ont rien à faire ici, pas plus que les moldus ! »
La haine s'entendait nettement dans les paroles de cet homme que Merlin ne pouvait voir. Son sang battait désormais à ses oreilles, et il accéléra le pas. Il ne manquerait plus qu'on lui lance des sorts qui le tortureraient jusqu'à ce qu'il soit rentré chez lui et qu'un des membres de sa famille ne puisse l'en soulager, comme la dernière fois. Ses parents l'avaient mainte fois prié de ne pas aller au village. Non pas qu'ils avaient honte de leur fils ou quoi que ce soit, mais ils avaient sincèrement peur pour sa vie. Il est bien connu que ce que les sorciers ne comprennent pas, ils ont tendance à l'éliminer.
Merlin savait que ces gens étaient seulement moins éduqués, qu'ils avaient peur. Il ne leur en voulait pas. Son cœur ne pouvait cependant pas s'empêcher de se gonfler et de saigner chaque fois que ce genre d’événements se passaient. Il arriva presque en courant à l'endroit où il avait attaché son cheval, entendant toujours des éclats de voix derrière lui. Il sauta sur sa selle, jeta un dernier regard à ce village qui ne voulait pas de lui, et lança son cheval au galop le long du sentier bordé d'arbre. Il fallait qu'il rentre chez lui. La demeure familiale, c'était le seul endroit où il se sentait réellement en sécurité.

Merlin avait eu une enfance très heureuse. À l'époque, on ne savait pas encore qu'il était un cracmol ; il passait donc des journées paisibles à jouer avec les autres enfants. Il était un membre à part entière de la communauté sorcière dans laquelle il avait tout à fait sa place. Bien sûr le fait qu'il n'ai démontré aucune capacité pour la magie au fur et à mesure qu'il grandissait auraient pu mettre la puce à l'oreille de ses parents, mais ces derniers, même s'ils se doutaient de l'état des choses, ne voulurent en tous cas pas troubler une telle enfance, et n'en firent aucunement mention à leur fils. Ce fut l'année pendant laquelle il aurait dû recevoir sa lettre de Poudlard qu'il découvrit la vérité. Ses parents l'avaient convoqués dans leur grand salon, et lui avaient alors annoncé la nouvelle. Il y avait eu cris, larmes, rage même. Merlin en avait voulu à ses parents pendant des mois et des mois. Mais il savait qu'il en voulait aux messagers. Comme ses parents le lui avaient dit, il n'avait pas été atteint par la magie, aussi tristement et accidentellement que les moldus étaient atteints par leurs maladies. Au départ, ça ne l'avait pas franchement aidé. Mais il finit par trouver du réconfort dans ce fait.
Il n'avait qu'une crainte désormais, c'était que sa jeune sœur soit elle aussi une cracmole. Mais il fut bien rapidement détrompé lorsqu'elle avait un jour arrêté sa propre chue du haut de la grande échelle qui menait au grenier, comme si elle avait arrêté le temps, ou que l'air lui avais soudain servi de coussin tout doux pour la retenir. En tous cas ç'avait été un réel soulagement, car jamais il n'aurait souhaité sa condition à personne. Non que ne pas avoir de pouvoirs magiques était terrible en soi, mais lorsque l'on est dans un monde sorcier, on s'en découvre être quelqu'un d'à part, quelqu'un... d'anormal.
Ne pouvant aller à Poudlard, il fallait tout de même occuper son temps, et l'instruire, c'est pour cette raison que ses parents firent appel à un précepteur de renom : Monsieur Henry. C'était un homme fascinant, car il en savait autant sur le monde sorcier que sur le monde moldu, et Merlin appris avec lui bien plus que ce qu'il aurait pu le faire à Poudlard -excepté la magie bien-sûr. Mais il connaissait bien la théorie, connaissait son histoire sorcière et moldue parfaitement, savait donner tous les pays d'Europe, et il excellait même en cours d'escrime. Et cela, pour n'en citer que peu. Il était même très fréquent de le retrouver à lire dans la bibliothèque du domaine familial alors que son précepteur était parti depuis longtemps.
Il n'eut donc pas une vie si difficile, si ce n'est lorsqu'il avait le désir et la curiosité malheureuse d'aller se promener parmi les sorciers et que ces derniers découvraient son "imposture". Sa famille l'aimait tout autant que si il avait été un sorcier, et son esprit avait sans cesse faim de connaissances qu'il pouvait trouver tout autour de lui. Il se tourna même vers le monde moldu, où il fit l'expérience de l'amour avec une lady, qui tomba elle-même amoureuse d'un preux chevalier avec lequel Merlin ne pouvait guère rivaliser ! C'est en essayant de noyer sa peine à la taverne qu'il avait rencontré le charpentier Arsene Crumpets, et après une discussion enivrée mais passionnée, ce dernier l'avait emmené dans son atelier pour lui faire découvrir son métier. Merlin y retourna le lendemain, puis le jour d'après, et le jour encore d'après. D'après Crumpets, il était même le meilleur apprenti qu'il ai jamais eu. Et Merlin trouvait de la joie à façonner le bois.
Malheureusement la guerre arriva dans le monde sorcier, entraînant toute la population sorcière (et cracmole) du pays avec elle. Découvrant ceci, Merlin, désirant plus que tout aider sa communauté, tente désespérément de se faire accepter au combat, mais personne de veut de lui. Qui pourrait vouloir d'un tel personnage ? Un cracmol n'est bon à rien voyez-vous. Il fut donc condamné à regarder son monde se déchirer sans ne pouvoir rien y faire. Nuit et jour, la peur le tiraillait, il ne cessait de penser à sa famille, sans cesse en danger. Et à lui-même. Qu'est-ce-que leurs ennemies lui feraient s'ils se retrouvaient face à un cracmol, cette abomination de la magie ? Il eu alors l'idée de créer un réseau clandestin, pour que les sorciers ne pouvant se battre, puissent se cacher en toute sécurité. Il expliqua ainsi ce projet à ses parents, qui furent avec lui dès la première seconde. Ce furent eux qui s'occupèrent de tout le domaine magique, et lui qui se chargea du reste. Sa connaissance du monde moldu fut d'ailleurs un salvatrice, car il trouva des lieux qu'aucun sorcier n'aurait pensé à fouiller. Il travailla ainsi dans l'ombre à la survie du peuple sorcier de Grande-Bretagne.
Ce furent des années sombres pleines de violences et d'horreurs, mais également, parfois, d'espoirs. Puis, enfin envers et contre tout, le côté du Bien l'emporta. Ce fut un grand soulagement, et la reconstruction pu commencer. Puis, très rapidement, s’engrangea la grande purge. Grande purge qui verra la mort de Merlin Hendricks. Il fut en effet arrêté par une milice de sorciers qui s'étaient chargés eux-mêmes de retrouver les traîtres et pro-Durmstrang ; réveillé en plein nuit, il fut agrippé, emmené sans ménagement, et envoyé dans une salle glauque qui aurait pu ressembler vaguement à un tribunal. Il n'aurait jamais su pour quelle raison on le considérait comme un traître, si on ne lui avait lu son court manifeste d'accusation juste avant qu'on ne l'exécute d'un simple "Avadakedavra" et qui était : « Le cracmole Merlin Hendricks est soupçonné d'avoir monté une opération clandestine dont la sorcière Romanov lui avait avait attribué la tâche : il devait piéger les sorciers anglais en leur faisant miroiter un endroit sûr pour se cacher, alors qu'il les menait tout droit à l'abattoir. » Et le jugement s'était fini par un simple « Considérant que les charges ont été proférées par la sœur même dudit accusé, cela suffit à rendre l'accusation plus que véridique aux yeux du Peuple sorcier britannique. L'accusé est jugé coupable. La sentence est la mort. »